mercredi, décembre 16, 2009

Barracuda




J'y pensais depuis quelque temps.
J'avais du mal à accepter l'idée au début, mais comme disait maman "on s'habitue à tout". Ouais, c'est tout. Suffit de répéter trois fois chaque jour et ça ne fait plus peur, au contraire ça réconforte. C'était devenu mon mantra à moi.
Et puis, il faut s'organiser et les préparatifs aident à rendre la chose concrète. Encore dans le fantasme, mais déjà concrète : la Chose. Concrète avec un bord, un dehors mais pas de dedans, pas encore.
Puis j'ai fixé la date, ou, pour être plus précis la date s'est imposée un matin :"dans quatre jours". C'était il y a quatre jours, maintenant c'est fait j'ai viré de bord, je suis mort.
Recta. Mort.


J'écris une liste fragile, qui commence avec un oiseau qui a le vertige
Se poursuit avec une goutte de pluie qui a perdu le chemin vers la terre
Et un chien de garde timide
Une ombre qui rêve de voir le soleil
Un soldat qui voulait être danseur mondain
Un vampire hémophile
Une araignée nulle en géométrie
Une tasse à thé sans anse
Un dictateur amoureux
Et même un politicien honnête

Qui viendra clore ma liste ? C'est urgent, nous nous présentons aux prochaines élections

samedi, décembre 12, 2009

Force fugipète





Carrefour de Tsararano

Ici comme partout, la nuit tombante rend les choses et les gens incertains et pressés. La vie de la nuit va commencer et il importe de terminer celle-ci, celle du jour. Quelques clients se dépêchent de faire leurs dernières courses et les vendeuses du petit marché s'énervent un peu, commencent à replier leurs étals, s'interpellent et houspillent les enfants.
Une voiture bleue s'arrête, une dame aux mollets gros en sort, se hâte d'acheter une salade et des litchis, remonte dans sa voiture, allume les phares et s'en va.

Sur un câble de téléphone, une troupe de makis à l'air très sérieux traverse la route, un par un. Les oiseaux des arbres chantent plus vite, plus fort et plus nombreux et leur chant se mêle au cri des roussettes.

Seuls à ne pas participer à la hâte générale, deux hommes assis sur des pierres vendent du maïs grillé.
Les bouénis du marché ont fini de replier leurs parasols et partent parlant fort, riant. L'une d'elles entame quelques pas de danse, étrangement souple et légère malgré son poids. Une autre chante et tout le monde rit.

Il n'a pas fallu plus de cinq ou six minutes pour que le carrefour se vide. Restent des palettes au sol et l'absence des femmes, comme un creux. L'un des deux vendeurs de maïs se lève et s'étire. Il regarde le ciel. C'est déjà la nuit.

dimanche, décembre 06, 2009

Saison des litchis





J'sais pas rapper, j'sais pas slamer non plus
Mais J'ai envie de vous parler parce que ce soir vous me manquez
Vous Mes enfants vous mes fils, toi ma fille,
Vous Mes parents, vous ma famille

Oh! on se parle au téléphone
Je sais que les nouvelles sont bonnes
Ce qui manque Ce sont les silences
Trop de mots soulignent votre absence

Ici la chaleur devient lourde, brutale et sourde.
J'ai mis les bananes au frigo,
oui je sais, ça va noircir leur peau…
pendant que l'automne arrive chez vous,
J'espère que vous n'avez pas froid,
Et que l'hiver sera doux

Il y a deux heures
Je marchais sous une pluie chaude
L'eau sur mon crâne et mes épaules
Battait un rythme de jazz passé de mode
Balais trompette et saxo, vous voyez le genre,
mais c'était assez pour que je m'envole

Je me rappelais la pluie à Marseille
Elle est froide en cette saison
et puis la mer sous le vent qui la réveille
Et votre image est venue ensuite avec un vieil air
Oui vous me manquez;
mais en même temps
En même temps …
Quand je pense à vous
Ca fait ça…
Vous entendez ? Hotel California,
C'est un vieil air
ou bien c'est moi qui suis vieux

J'sais pas rapper, j'sais pas slamer non plus
Mais je vous aime

Je vous le dis pas assez
Mais lorsque je pense à vous,
Mon cœur s'ouvre à toute la Terre
Et même à l'Univers
Et je deviens grand
je deviens très grand

Je vous dois tout
Vous me faites grandir
Vous qui m'avez précédé
Vous qui me suivez
Vous mes fils, toi ma fille,
Vous Mes parents,
Vous

Ma famille

vendredi, décembre 04, 2009

CaRnaVal des DjinNs




Je reçois dans ma boîte à spam des spams. Certains sont traduits de l'anglais au mot par mot, sans doute par un traducteur automatique qu'on trouve sur le net.

Ce matin : "Atteindre la plénitude d'un pantalon".
J'ai supposé qu'il s'agissait d'avoir une grosse bite qui bande et j'ai apprécié la délicate image qui suggère le dedans par le dehors.

Plus explicite "votre os dans son vase" et j'avais eu il y a quelques jours "Elle sait qui vous êtes". Sans appel !


Parmi les requêtes googliennes qui ont amené le mois dernier des personnes sur le blog (et qui ont dû être déçues), il y a des requêtes précises
" poésie qui commence par "ce sont"…
"poésie sur les légumes"
"récit de femme qui dérange les voisins en faisant l'amour"
"les grosses fesses de tsararano" et "fesses en mouvement"
"photo de baleine du 1er siècle"
"le bas de laine de la baleine"

Et des requêtes moins précises, qui ont abouti sur le blog quand même
"proutt"
"imbécile"
Et enfin "baleine", quelqu'un qui veut TOUT savoir sur la baleine, absolument TOUT

Pour finir, la requête la plus surréaliste, celle que Jean Claude Van Damme lui-même aurait rêvé de faire
.............................. "image d'oubli de pièces jointes"

dimanche, novembre 29, 2009

Bâtiment Eiffel





26 Septembre 2009, Roman Polanski est arrêté en Suisse pour le viol d'une mineure. Frédéric Mitterrand et des artistes connus protestent.
Le 26 Novembre 2009, Taoufik Ben Brik militant des Droits de l'Homme en Tunisie est condamné à 6 mois de prison. Frédér… Non, il n'a rien dit.

Je ne cesse de me demander "serais-je aussi heureux si j'étais une machine à laver ?" Je pense que non.

J'ai un peu grossi mais j'ai acheté un pèse-personne fabriqué en Chine. C'est génial, il pèse tout le monde ! Et si je me pèse trois fois de suite, j'ai trois résultats différents, je choisis le bon, celui qui me plaît. Du coup, j'ai un peu maigri.

J'ai retrouvé une carte postale écrite à Mada pour Julie, en Juillet. Oublié de la poster. Julie, tu ne m'en veux pas j'espère : je n'y disais rien d'important, que je pensais à toi, que tu es ma fille préférée, que j'aimerais te voir et que tu me manques. Ah oui et : "prends soin de toi".

Je trie de vieilles photos. Toutes celles de Marseille je les ai perdues, comme j'avais perdu celles de Toulouse, de Bordeaux, de Paris, de la Réunion, au fur et à mesure. Voilà qui passionnerait un psychanalyste.
Devinette : il avait un nœud papillon et il faisait des séances courtes, chères et payables en liquide. Qui est-ce ? mon psychanalyste (séances chères et payables en liquide) lacanien (nœud papillon, séances courtes). Je trouve qu'avoir eu un psychanalyste lacanien, c'est chic.

Je vais créer une nouvelle école psychanalytique avec des séances courtes, chères, payables en liquide et à l'avance.

Parfois, Bush me manque. Il avait un côté pratique, je le détestais, tu le détestais, il ou elle le détestait, nous le détestions, ça nous rapprochait. Maintenant les choses sont plus compliquées.

Une caresse de toi au dedans de moi.

mercredi, novembre 18, 2009

Les Jacky sociaux





Il me suffisait de poser les doigts sur le clavier et les mots venaient. Je n'avais rien à faire, alors je ne faisais rien.

Sur la barge, dans le sens Grande Terre vers Petite Terre, il y a une jeune fille grande et mince en habits traditionnels. Elle a environ vingt ans, elle parait timide et garde les yeux baissés, emmêlant nerveusement ses doigts.
Plus tard, dans le sens Petite Terre vers Grande Terre, elle est encore là, avec sans doute sa sœur jumelle, vêtue de la même manière. Elles paraissent timides et gardent les yeux baissés, emmêlant nerveusement leurs doigts.

A terre, des parachutistes et des légionnaires en manœuvre traversent le chemin en courant, vers le pont de la Kwalé. Des mitraillettes crépitent, un hélicoptère tourne dans le ciel.
Pendant ce temps les plongeurs chargés de la pose du sea line, sur leur bateau se reposent.

Un couple de mzungus vraiment tout blancs, bedonnants, en shorts et en tongs. Lui porte un sac d'où dépassent deux paires de palmes bleues, elle un panier d'osier. Ils vont vers la route, peut-être pour trouver un taxi. Des parachutistes passent en courant, fusil d'assaut en main.

Ici, c'est comme en métropole : à la tombée de la nuit le jour tombe aussi.

mardi, novembre 17, 2009

Tire Larigot, ça pourrait être un western...





J'étais dans un restaurant populaire de Mamoudzou, un de ces petits restau où les employés vont manger le midi. Celui-ci j'y vais souvent.

Un homme noir d'une quarantaine d'années était assis à une table, vêtu à la manière arabe exactement comme l’émir Mohammed Ben Kalish Ezab, le père de l'affreux Abdallah dans Tintin au Pays de l'Or noir.
Une grande djellabah blanche, une longue veste noire à parements jaunes. Sa tête était recouverte d'un keffieh à carreaux rouges et blancs, et tout comme l'Emir il avait une fine tresse faisant le tour du crâne pour maintenir le keffieh en place. Evidemment il avait une barbe. Son teint était plutôt clair, il avait un visage souriant et détendu mais son maintien restait raide, son attitude affectée et il contrôlait ses gestes.
Il déjeûnait en compagnie de deux petits gros à moustache et à couvre chef comoriens. Lui buvait un icetea pêche et eux avaient un coca pour deux.

Je me dis que c'était un dignitaire religieux avec deux de ses ouailles et qu'il "jouait le jeu", un peu trop. Tous les trois parlaient beaucoup, mais je ne les entendais pas.
Leur table était à côté d'une télé légèrement surélevée, au son trop fort. La télé diffusait une novela, une série brésilienne fauchée, mal jouée (les comédiens en font des tonnes) et doublée par des amateurs pas doués. Ce sont des histoires d'amour compliquées, ici par exemple : Roberto aime Magdalena, mais celle-ci n'est que la gouvernante de la famille aussi leur amour est-il impossible, d'autant que Samantha aime Roberto et elle, elle est riche, c'est la fille de... (etc.)

Il y eut un moment où je levais la tête vers les trois hommes. Le dignitaire religieux s'adressait à l'un de ses compagnons et j'entendais "Non Roberto, tu ne peux pas m'aimer, tu ne pourras jamais !!!"

jeudi, novembre 12, 2009

Ne pas savoir sans éprouver







Un papillon
vole au milieu
de la guerre froide
Nakamura Kusatao





dimanche, novembre 08, 2009

effleureter






Au hasard d'une promenade, un dimanche que rien ne distinguait d'un autre dimanche.
Je n'ai connu votre nom qu'ici, sur ce site où vous écrivez parfois.
Il y avait un ciel gris je me rappelle des oiseaux s'ennuyaient et des enfants aussi.
Lentement sur vos mots un visage s'est dessiné que je connaissais. Une jeune femme aux yeux pâles souriait en regardant les vagues de brume. Je savais ce visage mais les souvenirs étaient flous c'était il y a longtemps.
L'enfant que j'étais, ignorant et naïf croyait voir une fée. Ma mémoire rassembla ses éclats en un soudain assaut par la grâce d'un mot.

Le temps a passé et mon cœur s'impatiente
A vous dire puisque vous êtes présente
Je vous ai aimée à tout cœur à tout corps
Et si vous le voulez je vous aimerai encore

samedi, novembre 07, 2009

Saragosse

J'aime beaucoup ce regard, de la jeune vers l'aînée


Ce sera…
C'était…
C'est ? Parfois.

J'écoute un air de rumba plein de cuivres.
Les cuivres d'un orchestre m'évoquent les pleins de l'écriture, les cordes en sont alors les déliés.

Il fait chaud dans la pièce. Je bois de l'eau fraîche dans un grand verre. Boire beaucoup ne me rafraîchit pas plus que boire un peu, mais alors je n'ai pas cette sensation d'être plein dont j'ai besoin en ce moment.

La nostalgie vient avec le soir. Je refuse souvent des invitations inutiles pour lui laisser le temps et la place de me caresser. Un peu de musique de temps en temps, pas trop, pour le bonheur de danser vraiment. Que c'est bon !
Souvenirs d'autres soirées, toute pareilles. Mes souvenirs les plus heureux, j'étais seul.

Dieu a inventé le papier, et le Diable a inventé l'écriture.
Mais Dieu a inventé le Diable.

Je mets de plus en plus de conviction dans ce que je fais. Est-ce cela, être adulte ?

Samedi, 23h30. Rumba, verre d'eau, nostalgie…

mercredi, novembre 04, 2009

Yanoura







C'était comme marcher lentement et le sol sous mes pas est moelleux
C'était comme ne rien dire d'important parce que les mots se perdent dans le ciel
C'était comme enjamber une racine velue, terreuse et cent mille fourmis
C'était comme ça, rien de spécial sauf la vie quand même

Et je me suis disparu en passant derrière un tronc massif et bourgeois
Un de ces troncs pleins d'ancêtres et quelques djinns
Peut-être que je me suis arrêté là, peut-être pas je ne sais pas

Celui qui trouvera mon corps le dira
Ou ne le dira pas.

jeudi, octobre 29, 2009

Car en sac





Je n'oublie pas ce qu'un jour j'ai entendu à la radio. J'étais à Marseille, en voiture le long du quai de rive neuve. Il ne faisait pas beau, un temps bêtement maussade.
Un journaliste interrogeait des élèves d'une école quelconque, des élèves de première qui avaient visité en Pologne un camp de concentration, puis avaient vu un film dont j'ai oublié le titre. Un jeune homme avait dit ceci "ce qui m'a frappé, c'est que dans le film, aucune des personnes interrogées n'était responsable. Chacun disait 'ce n'est pas ma faute, j'ai obéi' et le résultat… c'est ce camp".



Je n'aime pas commenter l'actualité, mais je tiens à souligner l'incroyable théâtre que nous avons vécu ces dernières semaines. "L'affaire" Jean Sarkozy. Par pure lâcheté des hommes et des femmes politiques, au mieux se sont tus, au pire ont soutenu les Sarko's boys. Je n'en ai pas cru mes oreilles, mais pourtant oui, ils l'ont fait et ils ont même mouillé leur chemise à cette tâche, et sans doute aussi leur slip. Lâcheté insondable, incroyable veulerie.
J'avais honte.

dimanche, octobre 25, 2009

La vie en pièce jointe.






BIG
BANG
Il y eut peut-être un grand déchirement. Mais plus probablement il n'y eut rien, puisque rien n'existait qui put contenir quoique ce soit. L'espace et le temps n'existaient pas, puis ils existèrent.

BIG
Rien
BANG
Tout

Presque tout. Il fallut attendre l'Homme pour que naissent le Bien et le Mal, le Beau et le Laid, le Vrai et le Faux qui n'existent ni à travers le Temps et l'Espace, ni dans les atomes ou les molécules.

L'évolution de l'Univers comme on l'imagine aujourd'hui, a mené aux Océans, aux Etoiles, à la Lumière. A l'Homme. En remontant par la pensée le cours du Temps, on découvre un Univers toujours plus indifférencié, étrange, paradoxal mais que je peux "penser", non comprendre mais penser, même si avec erreur.

Par contre le Rien lui, est impensable. Je l'imagine comme une absence, un creux ou une soustraction.

Rien=Tout - Tout, capable quand même d'engendrer l'Univers. Rien ce n'est peut-être que l'impossible de la pensée, la source d'où jaillissent la matière et l'antimatière en stricte égalité, ou le jour et la nuit.
De même, de l'Homme jaillissent le Bien et le Mal, en stricte égalité.

mardi, octobre 20, 2009

Expression corporelle




Ma main, lente comme si elle voulait grain par grain t'apprendre.
Ma bouche pour dire chaque rivière, et les eaux qu'elle a goûtées
Mes yeux pour découvrir encore et encore ce que tu gardes caché
Et deux oreilles pour jouir de ton plaisir, sans jamais le comprendre

Et si j'ai bien cinq sens et qu'il en manque un
C'est pour ne jamais en finir
De ce souvenir
Importun

dimanche, octobre 18, 2009





Le soir est tombé vite, ici il n'y a pas de crépuscule.
J'entends un enfant pleurer
des bruits de pas
l'appel à la prière au loin
un grillon qui chante, tout à côté
surgissante, une voix d'homme et une autre voix répond, voix de femme.
Rien d'autre, j'appelle cela le silence.


Un héros de bande dessinée qui me ressemble ? Le capitaine Haddock, à cause de son diable qui le poursuit partout et auquel il finit toujours par céder. Et puis, comme lui j'aime les pipes, Tonnerre de Brest!!!


Un matin de cette semaine, je faisais les utilités dans une réunion avec une cinquantaine de bouénis du marché. C'était des discussions interminables (en shimaoré) coupées de chants et de cris, très spectaculaire.
Ces femmes sont étonnantes et magnifiques. Grasses et bienheureuses dans leur graisse, lentes, elles évoquent un énorme et invincible paquebot. Lorsqu'elles sont en nombre leurs saluvas chamarrés font un océan de couleurs qui donne le vertige.
Au bout d'une heure, deux d'entre elles s'allongent par terre et s'endorment d'un oeil vigilant. Les bouénis s'endorment absolument partout, mais toujours d'un oeil vigilant...

dimanche, octobre 11, 2009

Les Trois Poisons


Le matin, en allant au boulot j'écoute les informations à la radio.
Avidité. Colère. Ignorance, les trois poisons dénoncés par le Boudha y sont largement à l'honneur.

La crise financière plonge des millions de travailleurs dans la précarité, laquelle n'est rien à côté de la vraie misère des pays du Tiers Monde, cette misère dont on meurt. Pendant ce temps, les banques au lieu de faire leur boulot de banque, continuent leurs opérations financières nauséeuses, spéculent, titrisent, détournent, s'enrichissent, s'enrichissent, s'enrichissent, s'enrichissent, s'enrichissent, s'enrichissent, s'enrichissent…
Avidité.

Pakistan, cinquante morts lors de l'explosion d'une bombe sur un marché. Un massacre.
Colère.

Des hommes ou des femmes politiques promettent que demain chantera, que si on vote pour eux la croissance reviendra, et le bonheur avec.
Ignorance.

Mon avidité, ma colère, mon ignorance. Mon inconfortable confort.

samedi, octobre 03, 2009

Mont Blanc





Le théâtre est presque vide. Un spectateur tousse et le son résonne longtemps.
Enfin les projecteurs déglingués éclairent la scène d'un halo faiblard. Le bruit des bombes recouvre la musique de toutes façons hésitante.
Les danseurs entrent en scène. L'un d'eux cache sous le maquillage le sillon de ses larmes récentes. Ils n'ont pas répété depuis longtemps, ils ont peur et ils ont froid. Mais face à la barbarie, ils sont déterminés à célébrer une dernière fois la petite musique de leur vie.


Nous devrions faire attention, les barbares sont à nos portes.

jeudi, octobre 01, 2009

Il n'y a rien qui dépasse



"Ici commence l'indicible"" trois mots, les trois seuls écrits par Rilke sur un carnet. Il l'avait acheté pour y écrire sa joie de revoir Paris, après la guerre. ses découvertes, ses retrouvailles, ses émerveillements.

"Ici commence l'indicible". Je ne peux rien dire de ce qui est au delà des mots (ou dans leurs creux). Indicible. C'est ce qui fait que "je dois vivre ma vie et seulement ma vie, éprouver pour moi seul et par moi seul sans jamais pouvoir transmettre quoi que ce soit de ma sensation ou de ma perception à un autre désespérement tiers" (je cite à peu près Michel Onfray mais ne me rappelle plus le titre du livre).

C'est vrai, notre solitude est totale. Et pourtant... c'est exactement là, dans le silence des mots ou dans l'espace entre eux, dans les creux qu'ils dessinent, c'est là que justement je rencontre l'autre, magnifiquement tiers, rencontre vraie.
Ici commence l'indicible, vous comprenez ?

dimanche, septembre 27, 2009

A l'entrée du palais



Un polar emprunté à la Bibliothèque.
Oublié ou déposé au milieu, un feuillet au centre duquel est écrit un prénom suivi d'un point d'interrogation. "Carina ?".
Une écriture penchée, nerveuse et masculine, intelligente. Carina ? est écrit au centre du feuillet, non pas en haut et à gauche ce qui aurait signifié que l'écrivant débutait une phrase. Non, "Carina ?" était la phrase complète et tout était dit. Un prénom de femme, écrit par une main d'homme.

Parmi des milliards de milliards de galaxies, de supernovae qui explosent, de maelströms de trous noirs, de mondes en création et d'autres qui s'écroulent, un homme écrit "Carina?" et laisse le feuillet dans un livre.
Un jour, bientôt, Carina trouvera le feuillet et pour un moment la course folle des étoiles s'interrompra.
Et ce sera un moment de paix.

mercredi, septembre 23, 2009

ImIsA





Taxi jaune, rutilant. Samby le conduit dans un bruit de ferraille auquel il ne fait plus attention, pas plus qu'au trou là où il aurait dû y avoir la poignée de la porte, fermée par un bout de fil électrique.
L'homme dit au chauffeur "roule doucement, suis la femme en bleu"
"Celle qui porte le panier ?"
"Non, mais non, celle qui a des talons, regarde…"

Elle est grande, jean et Tshirt bleus, mince avec une démarche lente et décontractée. Pas besoin qu'elle se retourne, sa beauté s'affiche de dos. D'ailleurs Samby la connaît de vue. Ses seins arrogants. Ses gestes gracieux. Même qu'une fois elle avait pris son taxi en sortant d'un hôtel. Il était peut-être sept heures du matin, elle avait une bouteille d'eau à la main comme aujourd'hui. Et des billets dans son sac, parce qu'elle est la plus belle des putes.
Elle le sait, comme elle sait qu'aucun homme ne résiste à son indifférence et à son rire. Pute ça ne la gêne pas, corps à vendre magnifique. Faire l'amour c'est naturel. Rien de plus qu'une conversation légère à un bar dont elle oublie tout, tout de suite.
D'un geste rapide et léger, elle met sa bouteille d'eau sur la tête, c'est plus confortable d'avoir les mains libres. Rien d'incongru de voir cette fille aux talons hauts et jean moulant, une bouteille sur la tête. Rien que l'admiration. Elle sourit.

L'homme dans le taxi. Rouge de trogne et de colère. Il la regarde, bouche entr'ouverte. Il devine qu'elle va dans un hôtel, un autre hôtel, voir un homme, un autre homme. Pas lui. Lui, il est lourd. Laid. Il sent la sueur. Mais il est riche. Et il la veut rien qu'à lui. Il l'a baisée. Même qu'à un moment, elle a gémi. Elle est à lui, il lui a dit "tu ne verras pas d'autre homme, je ne veux plus". Elle est à lui. Elle n'a pas répondu.

Hôtel du Nord. Elle va là, il en est sûr, on voit l'enseigne au-delà du petit marché. La foule est dense du côté ombre mais elle, elle marche au soleil, la bouteille d'eau sur la tête, légère, si légère.
Quelqu'un l'interpelle qu'elle salue d'un geste de la main, continue son chemin. Les hommes la regardent, désir, désirs. Elle, comme un oiseau. Hôtel du Nord.
Alors l'homme dans le taxi, il sort un couteau. Elle est à lui, pas à un autre. A lui. Pas à un autre. A lui. Arrêter le taxi, sortir, courir vers elle. Elle est à lui, pas à un autre. Et elle, elle ne sait rien de cet homme qui court, homme couteau rouge de trogne et de sang qui tape, tape, tap tap le sang. Elle ne sait rien.

Samby a frappé avec sa matraque, un seul coup. L'homme couteau s'effondre.
Elle, sa bouteille sur la tête, dépasse l'hôtel du Nord, continue sa route. Elle sourit. Samby sourit aussi.

mardi, septembre 22, 2009

De noblesse




A Diego Suarez (on dit "Diego"), les taxis sont jaunes et il y a du soleil.
A Diego, la nuit les lumières des bars et des boîtes sont allumées. Les terrasses se font aguichantes. Des filles passent et repassent.

Diego est un port, des bateaux de pêche espagnols s'y arrêtent. Le port est encombré de carcasses mortes, vieux navires, et des pontons déglingués. La route qui y mène est pleine de trous.
Une usine fabrique des boîtes de thon, ronron des moteurs.

La nuit des hommes dans les rues rôdent, reluquent, rient grassement, boivent trop. Des taxis guettent le client, roulant lentement, bruits de ferraille, éclairs des phares sur les trottoirs aux étals de brochettes.

A Diego la nuit, des lumières bleus et vertes à l'intérieur des casinos, quelques hommes debout à l'entrée, les uns sont videurs, les autres vidés.
En mer des barques de pêche, petites lueurs jaunes puis plus rien, la mer les a avalées peut-être en attendant de les rendre au jour revenu.

Diego, l'air y est lourd des pensées des hommes désirant.
Et les taxis sont jaunes

jeudi, septembre 17, 2009

Fruits et légumes en guise de poésie



La science de la perspective est née avec l'invention du point de fuite, point vers lequel convergent les lignes parallèles d'un dessin ce qui procure à qui le regarde l'illusion de la profondeur.
Lorsque le point de fuite se situe à l'intérieur même du dessin, l'impression de profondeur est très forte. Ce qui fut très utilisé lorsque les peintres italiens découvrirent ce procédé et le
systématisèrent. Il y a plein d'exemples l'un des plus remarquables est une fameuse peinture de Ucello (je crois), la bataille de San Romano que j'ai eu le plaisir d'admirer alors que je visitais Florence. Ou une autre bataille, les lances et les cadavres tombés à terre alignés impeccablement.

Pour ma part lorsque ce point, censé être à l'infini, est à l'intérieur du tableau j'éprouve une sensation d'étouffement, comme si l'espace se refermait sur lui-même. Comme si il n'y avait "point de fuite".

Le tableau que j'ai choisi est pas terrible comme exemple, pas de // mais le procédé y est sûrement utilisé.
Il y a beaucoup de tableaux et dessins plus représentatifs, avec des personnages dans des décors très géométriques, par exemple des carrelages au sol, tiens celui ci au détour d'internet, le pauvre Saint Sebastien peint par Mantegna.









Moi, j'aime tout particulièrement la peinture italienne de l'époque juste avant la découverte de cette perspective, 13em et 14em siècle, Giotto and predecessors and successors, les peintures dorées à l'or. Les peintres ont fait alors chanter les couleurs d'une manière extraordinaire, des couleurs simples et ce sont des tableaux qui vibrent.
Et j'adore encore plus les phrases ou les paragraphes qui commencent par "Moi..."
En allant sur Wikipdia contrôler que je ne dis pas de bêtises quant aux dates, voilà ce que je découvre "Le pape Benoît XII, via un de ses émissaires, pressa Giotto de lui donner la plus pure preuve de son talent. Ce dernier traça alors sur une feuille destinée au souverain pontife un cercle parfait à main levée."
A travers le temps et l'espace : ce que font aussi les maîtres zen, un graphisme simple, un cercle qui pour les zenistes n'est jamais clos.



A Mayotte, pas de parallèles dans les maisons ni les routes


mercredi, septembre 16, 2009

No Rain !!

Miss Bemananasy à gauche, avec sa soeur


L'idiot du village. Lorsque je pense aux idiots de villages, c'est l'image d'un imbécile heureux qui vient. Je retiens "heureux", j'oublie "imbécile", pas tout à fait quand même : et si pour être heureux il fallait être imbécile ?

Je ne sais pas si cette histoire est vraie. Mon père m'a raconté que dans notre famille Fretay, le premier fils s'appelait toujours Jacques. Mon père est fils unique mais il se prénomme Jean parce que à la génération précédente, l'aîné Jacques aurait été un imbécile heureux. Il aurait fini sa vie jardinier dans un couvent. Peut-être que pour être et rester heureux il a fait semblant d'être un imbécile…

L'imbécile heureux a le privilège de l'innocence. A "innocence" j'associe "bonté" ce qui n'est pas évident. Comme le monde n'est pas un conte de fées, il y a des imbéciles malheureux. Et des innocents pas bons.

Ce doit être terrible : l'imbécile malheureux parce qu'il est conscient d'être imbécile. De quoi devenir poivrot.

lorsque je vais sur la tombe de mes ancêtres (mes grand parents) il convient de faire des libations sur le tombeau, puis de partager avec les habitants du lieu. Les libations se font avec du Toka Gasy, ne cherchez pas dans les magasins c'est une fabrication locale non exportable. Il vaut mieux d'ailleurs : c'est fort.
La photo montre Miss Bemananasy quelques instants après avoir bu son premier verre de Toka Gasy.

vendredi, septembre 11, 2009

VadeMeCum du médecin de campagne

Jérome... Il me ressemble n'est-ce pas ? Encore que je n'aurai jamais porté une coiffure comme celle ci.
Je me demande s'il n'est pas en train de grimper tout nu. Peut-être que les grimpeurs prennent maintenant appui avec la queue, après tout les techniques évoluent tout le temps.

Lorsque je suis dans un rêve, je ne sais pas que je rêve ou alors c'est que je ne rêve plus.
Lorsque je pense, je sais que je pense et ne m'arrête pas pour autant de penser.
C'est toute la différence.

Il y a un au-dehors du rêve, ce serait le réel à condition que je n'en fasse pas partie ce qui est une hypothèse problématique mais amusante. Ou bien ce serait un surréel, une supra réalité dans laquelle nous baignerions tous comme des bébés dans le liquide amniotique, sans le savoir.

Conclusion 1 en forme d'ogive nucléaire : les vacances ne me réussissent pas.
Conclusion 2 en forme d'évidanse classique : le surréel établit des gros surchèques à l'ordre de SurJacques et j'en ai besoin : je viens d'apprendre que Johann n'a pas payé son loyer depuis le mois de Mai, et je me suis porté garant…

Conclusion 3 en forme d'oiseau lyre géant : Rachida va se marier, j'en suis heureux pour elle. Le monde n'est pas mal fait.

jeudi, septembre 10, 2009

Dialogue en forme de tongs

Maman me signale que ces photos ont été prises à Bemananasy et non Bemananas.




Lui
Je vis dans un monde imaginaire. Il n'est pas le fruit de mon imagination, non il s'impose à moi comme je m'impose à lui (parce que je n'ai pas l'impression qu'il me désire).
Mais il n'est pas vraiment VRAI, c'est une apparence.

C'est pour ça que je porte des chaussures lourdes et de grosses chaussettes, parce que le vrai monde est en dessous et je ne veux pas m'envoler. Au contraire il faut descendre. J'ai pensé à creuser le vrai monde pour m'enfouir dedans, mais l'imaginaire qui est comme une fumée dense s'insinue dans le trou et finit par le remplir.
Le VRAI monde doit rester lisse et donc impénétrable.

L'autre
Que peut-on savoir du VRAI monde ?

Lui
C'est très drôle, parce que c'est mon imagination qui me révèle ce qu'il est. L'imagination est le reflet du VRAI monde ou son souvenir, peut-être un souvenir du futur je ne sais pas.
Il suffit de rêver pour être dans la réalité réelle.

L'autre
Ce monde imaginaire, qui l'imagine ?

Lui
Personne ou plutôt tout le monde. Il est niché dans les plis de notre cerveau, nous sommes tous construits comme ça, et même autour de ça. Par conséquent personne ne se rend compte de l'illusion puisque tout le monde partage plus ou moins la même.
Les rares lucides qui nous avertissent, on les dit fous et on ne les écoute pas.
… Bien, pardonnez moi mais je dois vous abandonner parce que je m'étais promis de faire un texte de 30 lignes en police "Times" caractère 12 et c'est fait. Mais si je parle trop il y aura 31 lignes ce qui n'est pas le PROJET (les projets, lorsqu'ils sont le fruit de notre imagination, sont des reflets du VRAI monde dans le monde imaginaire). Alors, adieu, n'oubliez pas… le VRAI monde… les grosses chaussures…et pas de tongs… dangereux les tongs…



miss Bemananasy 2009

mercredi, septembre 09, 2009

RIEn




Rien...
Pas de mots, Pas d'idée, Pas d'envie.
Le soir : canapé, sudoku Force 8 et film de bagarre.
C'est tout.

lundi, septembre 07, 2009

Bemananas

Portraits d'habitants du village de Bemananas, les enfants surtout.

Madagascar,
le pays s'est encore appauvri. A Tana dans certains quartiers, des rues entières sont occupées la nuit par des familles sans logis, père, mère, enfants. Ils tendent entre deux caisses une vague bache et dorment en dessous. Ce sont des familles, pas des vagabonds, leur aspect n'est pas le même.
Le jour on ne devine rien.
.
Il y en a beaucoup, beaucoup.
Un soir, alors que je passais, une maman chantait une comptine à un enfant pour l'endormir.


mardi, août 04, 2009

Une Baleine en Vacances

Image de Mayotte... Saurez-vous trouver les quatre sourires ?

lundi, août 03, 2009

Sur un lit de Fougères

Ils me font penser aux ribambelles qu'on découpe dans du papier...



Occuper l'espace, y compris l'espace sonore et s'y sentir comme dans un cocon moelleux, malgré l'immensité.

jeudi, juillet 30, 2009

Ciel Ouvert

Transmission




Corps trouble. L'esprit de branche en branche, singe exalté.
Pendant le silence, des bruits dans la maison.
Je voulais entendre le son de ma voix emplir le monde mais des bruits ténus, presque fragiles. Elle, comme une barrière.



J'entends chaque matin, très tôt, de tout petits enfants près de ma fenêtre. Chaque matin, une jeune femme s'installe dans le petit jardin, pour meuble une feuille de plastique; elle, là avec ses deux enfants, quelques mois pour l'un, l'autre deux ans peut-être. Sans logis. Une bouteille de Coca Cola, sans Coca, de l'eau. Voilà. Elle est là.

mercredi, juillet 29, 2009

BANDRELE

Les femmes se dirigent vers le M'Biwi, généralement en groupe. Chaque quartier a ses "couleurs".
Elles marchent lentement. On voit dans les mains de deux d'entre elles les baguettes de bois, du bambou souvent, avec lesquelles elles vont rythmer la danse.



J'ai déjà dit comme les femmes de Mayotte sont impressionantes (mais le mot n'est pas précis) lorsqu'elles sont en groupe. Il se dégage d'elles, alors, une sensation de force évidente. Pas seulement à cause de leur poids, même si il joue son rôle.
J'aime leurs vêtements colorés, leur belle attitude, le silence tranquille de certaines au milieu des flots de paroles - ah! elles ont le verbe haut. Quant aux fesses rebondies qui dansent, le m'Biwi c'est surtout des fesses en mouvement...

lundi, juillet 27, 2009

Courir sous la pluie

M'biwi à Bandrele Dimanche





S'accorder comme on accorde un piano : tendre, régler, écouter, ajuster.
Il vaut mieux faire le vide dans la pièce pour éviter tout bruit parasite. Procéder lentement et progressivement, note par note, octave par octave en prêtant une attention particulière aux octaves extrêmes.
C'est long pour s'accorder un vrai moment de silence, qu'aucune note ne viendra rompre mais au contraire souligner.
C'est long pour apprendre à goûter ce moment.

J'avais appris il y a longtemps, puis j'ai oublié.
Je réapprends.

jeudi, juillet 23, 2009

Douce

Embouteillage à Mamoudzou


Je me ferai la peau avec les ongles
Je m'arracherai les dents avec les dents
Je me briserai les cotes avec les poings
Et mille choses encore et même alors
Je resterai à l'orée de mon secret

Je garderai le silence pendant cent vingt ans
L'immobilité pendant deux cents ans
Les yeux fermés pendant autant
Et mille ans encore si vous le demandez
Je resterai à l'orée de mon secret

Je pourrai te caresser pendant dix siècles
Te pénétrer de tous côtés
Te lécher, te sucer, te manger
Je resterai toujours à l'orée de ton secret




Il a une chemise bleue, de ce bleu qu'on appelait horizon autrefois. Il l'a mise parce que c'est tout ce qui lui reste de propre. Il veut être net aujourd'hui, c'est son anniversaire. Cinquante cinq ans. Ce n'est pas un exploit, mais il ne s'était jamais imaginé arriver là, alors il est surpris.
Il s'est rasé et il sent bon grâce à l'after shave acheté à la Superette hier. C'est son cadeau à 5,85 Euros, avec le thé Lipton en sachets qu'il prépare dans une casserole. Pendant qu'il verse le thé dans la tasse blanche, il s'interroge sur le sort de ses enfants. Ils doivent avoir la trentaine maintenant, ils sont mariés, peut-être. Ils ont des enfants, peut-être. Ils sont heureux, sûrement.
Le chant d'un oiseau dehors et le chat qui se glisse par la fenêtre.
Oui, c'est ça, sûrement.

mercredi, juillet 22, 2009

Peut être trop





Je m'habitue à ma nouvelle habitation. Je goûte le plaisir de la courtitude des trajets entre maison et bureau. En revanche je ne remarque plus le paysage, surtout je ne profite plus de ce bref moment où, arrivant en haut d'une sorte de col après Ongoujou, le lagon s'offrait à moi.
Après l'avoir dépassé je laissais la voiture descendre jusqu'à Tsararano vers où elle allait presque toute seule malgré les virages. Cette vision du lagon m'a toujours émerveillé et lorsqu'ensuite je le longeais sur la rocade de M'Tsapéré il m'émerveillait encore malgré la médiocrité du paysage à cet endroit.

J'ai revu "Jules et Jim". Je n'avais jamais imaginé qu'il s'agit en réalité d'un amour entre deux hommes, délicat, inavoué, à travers une même femme qui n'est peut-être pas vraie, juste un symbole. Ce film est tout au long sur le fil du rasoir, comme la voix de Jeanne Moreau lorsqu'elle chante dans le chalet de Jules. Presque à se casser et puis non.

Journée morose et la pluie cette nuit. J'aime la pluie au milieu des nuits moroses. J'aime la mélancolie des jours plus longs, les rues vides dans la ville, la solitude.

mardi, juillet 21, 2009

Karni Krott


Mon garde du corps est toujours sur le qui vive...



La porte s'ouvrit brutalement, claqua contre le mur et l'huissier, bousculé dans la pièce, tituba un instant avant de retrouver son équilibre.
Le ministre de l'agriculture se mit à bafouiller en plein milieu de la présentation de son rapport sur "les zones à vocation d'intensification et les aides ciblées aux intrants" puis se tut lorsqu'un militaire blême se présenta, l'arme au point. On entendait dans le hall un bourdonnement inhabituel, des va et vient, des courses et quelques cris.

Le Président se leva lentement " Que se passe t-il, Général ?". Sa voix restait encore maîtrisée.
Le général le regarda pendant un long moment de silence puis dit " Monsieur le Président, le régime est tombé". Dehors on commençait à entendre des bruits de foule.

Le Président se rassit lentement, ses mains tremblaient. D'aucuns dirent que l'on vit une larme couler le long de sa joue. Il demanda
"Général ?"
" Oui, Monsieur le Président"
" Vous l'avez vu ?"
" Oui, monsieur le Président"
"…… Alors…."

Prenant appui sur la table, il se releva lentement et s'adressa aux ministres :
"Mesdames, messieurs, étant données les circonstances, le conseil des Ministres est suspendu. Veuillez je vous prie rester disponibles. Je vais voir ce qu'il en est, monsieur le ministre de l'agriculture m'accompagnera" puis il s'éloigna, accompagné du ministre et du général.

Dans le champ entouré de soldats, ils sont tous les trois debout. Au sol, le dernier régime de bananes du dernier bananier du pays. Le Président, le ministre et le général et tous les soldats pleurent.

lundi, juillet 20, 2009

Chrysanthèmes




Il me semble que si je devais faire la guerre, je la ferais mieux au son du clairon et du tambour.

vendredi, juillet 17, 2009

Des petits pas dorés

La terrasse, vue depuis la non encore terrasse.

Ariel est mon redoutable garde du corps.


Hypothèse du vent
Le vent est un porteur de message.

Hypothèse de la pluie
La pluie, ce sont des larmes d'amour enroulées

Hypothèse du nuage
Le nuage est un enfant roi

Hypothèse de la poule
La poule est un sursaut de surprise, tôt le matin

Hypothèse de la vague
La vague est l'hommage du plaisir au désir, ou l'inverse

Hypothèse de la poussière
La poussière est l'envie de rouge dans la vie d'un homme triste

Hypothèse du général
Le général est l'enfant que je n'ai pas été

Hypothèse du matin
Le matin est le lieu de tous les jamais

jeudi, juillet 16, 2009

Séance plénière

J'habitais une maison de vent. J'habite maintenant une maison de coeur et d'âme.
Je vois cela depuis l'entrée.


Un peu plus haut dans le jardin, Alix, qui fut mon professeur de karaté il y a trente ans, a construit un dojo. Il y enseigne, avec Symiane son épouse, aux enfants. Il parle d'une voix douce et égale, tranquille. Les deux petites filles sont des voisines un peu chipies qui m'appellent... "tonton".







Séance plénière.

Dans le cadre de la baie vitrée. Je vois le lagon scintiller et en plein centre la masse sombre d'un îlot. Plus loin la ligne blanche et fine de l'écume que la barrière de corail provoque. Au delà d'elle, la silhouette d'un bateau immobile.

Tout est d'un calme effrayant. Et il y a trop de soleil.

Une femme se lève. Va t-elle danser ? je l'espère. Non, d'un geste sec elle ferme les occultations.
Ombre. Il y a trop de soleil.

vendredi, juillet 10, 2009

Eau de rose (Recyclée)




Tu étais au piano, un soir chez des amis communs. J'étais un peu ivre, un peu et je m'ennuyais. Je t'ai écoutée, j'ai dit "c'est du Monk ?". Sans cesser de jouer tu as dit oui en inclinant la tête. Après quelques minutes tu m'as demandé de t'apporter à boire. Ta voix était un peu voilée.

Je ne sais pas résister aux femmes dont la voix est un peu voilée, surtout quand elle joue Monk au piano. J'ai choisi je crois un verre de vin blanc, il était excellent. Tu m'as regardé attendant que je parle, dans un silence amusé. J'ai parlé. Je l'ai dit j'étais un peu ivre mais tu as ri, puis tu as parlé, très peu. Tu as joué à nouveau. J'ai dit "j'adore Monk !" et j'aurais voulu t'emmener dans ma chambre, là tout de suite. Tu as joué à nouveau, ensuite je ne sais plus très bien mais je t'ai retrouvée près de moi avec à la main un petit sac de cuir rouge. Tu as dit "je n'ai pas de voiture mais je vous ramène chez vous".

C'était il y a cinq ans à peu près. Ton piano est dans le salon. Ah, ça fait un moment que je sais, ce n'était pas un morceau de Monk (c'est Mélanie qui me l'a appris). Quand tu m'as ramené chez moi, tu as visité l'appartement, tu as dit "ça me plait". Je t'ai emmenée dans ma chambre, j'étais un peu ivre. Il s'en est suivi quelques jours et beaucoup de nuits. Surtout des nuits. Maintenant ton piano est dans le salon et ton silence partout dans la maison. J'écoute un disque, un vynile j'en ai encore quelques uns. Ca gratte et ça crachote. La voix de Terry Williams – toi c'est le jazz, moi c'est le blues - la voix de Terry Williams a l'air de planer paresseusement par dessus. Par dessus ton silence. Je suis nu et je bande un peu mais sans conviction, il fait trop chaud. J'ai bu quelques verres de vin blanc. Assez pour être légèrement ivre. Je me lève, je vais vers le piano, je tapote quelques touches. Ca fait un son idiot. Je ne sais pas jouer, je préférais t'écouter de toutes façons. Le son sonne et résonne étrangement, je ne l'ai encore jamais entendu comme ça, par dessus la voix de Terry Williams. Et ton silence. Le bruit de la porte qui s'ouvre. Mon coeur cesse de battre...

Tu es magnifique tout en blanc, tu me dis "monsieur, il faut vous habiller, je vous emmène", oui, oui, je vais m'habiller, je vais pas me marier tout nu quand même. Je t'embrasse et je te dis doucement au creux de l'oreille "tu sais, il y a longtemps que je sais". Tu me regardes, l'air interrogateur. " Que ce n'était pas du Monk".

jeudi, juillet 09, 2009

Photôlegraphie

37 Rue Bellevue




Absolument.
Absolument veut dire "oui" c'est comme ça dans le poste où les gens ne parlent pas français mais le branché et en branché "oui" c'est : "absolument".

J'imagine qu'il s'agit de donner force et énergie à "oui". Il a en effet deux avantages :
Premier, "absolument" permet mettre un accent tonique sur la dernière syllabe, ce qui donne du panache et un air convaincu (AbsoluMENT"). C'est impossible avec "oui".
Deuxième "absolument" est déjà un discours.
"Monsieur le Ministre, appliquerez vous …."
"Absolument… (silence)… "


Un jour, après que la Grande Mutation aura eu lieu, nous entendrons dans le poste
"Monsieur le Ministre, m'aimez-vous ?"
"AbsoluMENT… (silence) …"



mercredi, juillet 08, 2009

Un jeune homme devant une maison en tôle





Je prépare le dix-huitième déménagement de ma vie d'adulte. A nouveau des cartons pour un nouveau déménagement dans un nouveau lieu.
Mais où que j'aille, je ne retrouve jamais que moi.

lundi, juillet 06, 2009

Toles de Mayotte

Une petite fille devant une maison en tôle


Paresse d'écrire. Non, pas encore. Je voudrais que l' écriture me rentre dedans. Mais elle me survole. Elle m'abandonne ensuite, je reste frustré. J'écrivais ces dernières semaines, pendant la pause de midi, dix minutes parfois quinze. Pas plus. Beaucoup trop.
Paresse d'écrire. Ecrire est un muscle. Schlakkkkk!! Susceptible de déchirure.
Tant mieux. J'ai envie de violence.

J'en suis incapable, pourtant.


Il y a des musiques que j'aimais. Je les ai oubliées. Je me fais une joie de les redécouvrir un jour.

J'ai longtemps hésité. Puis, j'ai emmené à Mayotte mon couteau à lame Damas et un minuscule couteau portugais. Les autres, je les ai laissés à Marseille.

Maintenant, il est temps de rentrer à la maison. Si je ferme les yeux et je me demande "c'est où chez moi ?" je ne peux que répondre que je ne sais pas.