jeudi, juillet 13, 2006

LA FORTERESSE VIDE



Les mots s'inventent pour que devienne chair ce qui était déjà chair, mais non dite, impensée.
Les mots courent leur chemin jusqu'à ce que que le souffle les arrête.
Ca fait un baiser d'amoureux, langues mêlées. Ce qui était souffle est devenu mots, ceux qui étaient mots sont devenus souffle.

Sur la ville, une chaleur écrasante. Le silence né de la chaleur n'a pas le même grain que les silences nés du froid. C'est un silence d'absence ou bien d'oubli. Ceux qui le peuplent, hommes et bêtes, ont presque honte d'être là. Chacun garde ses distances, yeux baissés.

La femme avait une prestance d'espagnole, son regard était d'eau pourtant et ses gestes un vent léger et soyeux. A l'aube de ses lèvres un fleuron d'étoiles taisait son âge. Peut-être avait-elle cinquante ans, peut être plus. L'horizon était entre ses jambes mais elle n'a rien voulu dire.

Il y a un peuple de femmes et d'hommes étranges qui connait des secrets. Ils n'ont pas de nom. Ils n'existent pas vraiment. La police les recherche, les arrête et les chasse. Alors ils se cachent. Se taisent. Nous, nous ne les voyons pas ou à peine, ce n'est pas notre problème. Leur nom c'est "sans papier" et il sonne comme "sans pitié".



La vieille race avait disparu, fatiguée
ils s'étaient dévorés les uns les autres au nom du Bien et de l'idée qu'ils s'en faisaient.
Lorsqu'ils eurent disparu, il n'y eut plus sur Terre de Mal ni de Bien
Rien que le flux incessant de la Vie

Ils avaient pourtant essayé, essayé, essayé
Ils crurent que la complexité les protègerait
Ils crurent que la sauvagerie s'effacerait d'elle-même
Ils crurent qu'ils étaient faits d'autre chose que leur peur
D'autre chose
mais quoi ?

Alors qu'ils n'étaient plus on entendait mieux les insectes
et de temps en temps le grondement mégalomane
d'un de leurs bâtiments qui s'effondrait
Et quand le temps fut passé, beaucoup de temps
Il n'y eut plus rien d'eux
Sauf là-bas, un phare

Pourquoi ?

lundi, juillet 03, 2006

Eau de rose

Tu étais au piano, un soir chez des amis communs. J'étais un peu ivre, un peu seulement et je m'ennuyais. Je t'ai écoutée, j'ai dit "c'est du Monk ?". Sans cesser de jouer tu as dit oui en inclinant la tête. Après quelques minutes tu m'as demandé de t'apporter à boire. Ta voix était un peu voilée.
Je ne sais pas résister aux femmes dont la voix est un peu voilée, surtout quand elle joue Monk au piano. J'ai choisi je crois un verre de vin blanc, il était excellent. Tu attendais que je parle dans un silence amusé, j'ai parlé. Je l'ai dit j'étais un peu ivre mais tu as ri, puis tu as parlé un peu, très peu. Tu as joué à nouveau. J'ai dit "j'adore Monk !" , je voulais t'emmener dans ma chambre, là tout de suite. Tu as joué à nouveau, ensuite je ne sais plus très bien mais je t'ai retrouvée près de moi avec à la main un petit sac de cuir rouge. Tu as dit "je vous ramène chez vous" et ce n'était pas une question.
C'était il y a cinq ans à peu près. Ton piano est dans le salon. Ah, ça fait un moment que je sais, ce n'était pas un morceau de Monk, c'est Mélanie qui me l'a appris. Quand tu m'as ramené chez moi, tu as visité l'appartement, tu m'as dit "ça me plait". Je t'ai emmenée dans ma chambre, je l'ai dit j'étais un peu ivre.
Il s'en est suivi quelques jours et beaucoup de nuits. Surtout des nuits.
Maintenant ton piano est dans le salon et ton silence partout dans la maison.
J'écoute un disque, un vynile j'en ai encore quelques uns. Ca gratte et ça crachote. La voix de Terry Williams – toi c'est le jazz, moi c'est le blues - la voix de Terry Williams a l'air de planer paresseusement par dessus. Par dessus ton silence. Je suis nu et je bande un peu mais sans conviction, il fait trop chaud. J'ai bu quelques verres de vin blanc. Assez pour être légèrement ivre.
Je me lève, je vais vers le piano, je tapote quelques touches. Ca fait un son idiot. Je ne sais pas jouer, je préférais t'écouter de toutes façons. Le son sonne et résonne étrangement, je ne l'ai encore jamais entendu comme ça, par dessus la voix de Terry Williams. Et ton silence.
Le bruit de la porte qui s'ouvre. Mon coeur cesse de battre... Tu es magnifique toute en blanc, tu me dis "monsieur, il faut vous habiller", oui, oui, je vais m'habiller, je vais pas me marier tout nu quand même. Je t'embrasse et je te dis doucement au creux de l'oreille "tu sais, il y a longtemps que je sais".
Tu me regardes, l'air interrogateur. " Que ce n'était pas du Monk".

MH

MH
Décision suspendue… nul ne sait ce qu'il en sera, d'une vie encore longue ou plus brève.
Les médecins ont opéré / On ne sait pas encore / Le combat continue

Vie et mort ne sont pas opposés.
Naissance et mort sont un couple qui danse la danse de la vie
C'est une lutte et un infini repos en même temps
Comme la valse à trois temps de Brel
Trois temps qui permettent juste de recommencer
Et de recommencer encore
Avec un puissant désir un désir si fort !

Décision suspendue…