jeudi, mars 29, 2007

Passé pas assez passé











Je suis l'humus des jours passés.
Je suis neuf .

Je connais ou reconnais les traces déposées en strates, chargées de signes, parfois d'objets et de mots errants qui me percutent pleine face. Le passé est là, il joue sans cesse avec moi. Et pourtant je ne suis pas lui, même pas le résultat de lui, peut-être en suis-je une des solutions, comme on dit la "solution d'une équation" à condition que cette solution-là ne soit pas contenue dans l'équation elle-même.
( Je la dépasse et je me dépasse de beaucoup, parce que je n'appartiens pas totalement à l'ensemble du Réel, pas entièrement à l'ensemble des Imaginaires; peut-être, encore un peut-être, à l'ensemble des Imaginés, ensemble non clos et sans barrières mais pas sans limites. Fin de la métaphore)
J'ai eu un passé, verbe "avoir" au participe justement passé et à l'imparfait très imparfait.

Traces sur le chemin, elles sont seulement des traces.




mardi, mars 27, 2007

Sacrée école !!

Des moyens de transport
vraiment moyens
question confort

Ce matin j'ai entendu un homme, dans le poste, il disait que l'école "est un lieu sacré", en parlant de l'intervention des policiers lors d'un contrôle d'un chinois sans papiers devant l'école justement.
L'école "un lieu sacré" j'ai trouvé l'expression pour le moins étonnante.
Notre école laïque et républicaine, "sacrée" !!! La pauvre !!! Jules doit se retourner dans sa tombe.


Jules

"Je te le dis ils finiront bientôt
avec leur bêtise et leurs mots
qu'ils ne comprennent même pas
à casser tout not' boulot
j'y crois pas, non j'y crois pas"

(ben oui, Jules est mort alors il parle en vers)

Victor
" Laisse béton, Jules laisse béton
C'est à toi de jouer et tu es en échec
Si tu t'occupe encore d'ces cons
t'auras bientôt plus un poil de sec"

Jules
"Y'a lurette qu'j'ai plus de poils
plus d'os et plus de moelle
Regarde t'es mat
Patate"

Victor
"T'as fait deux rimes masculines
à la suite tu dois payer ton coup
Deux bols entiers de vermines
Parce qu'un ça fait pas beaucoup"

Jules s'acquitte de son dû, avec un accent circonflexe pendant qu'il y en a encore.


vendredi, mars 23, 2007

aller vers la beauté (elle-même viendra)

Dans le jardin chez grand père. Même s'il est mort depuis longtemps, c'est resté "chez grand-père". Le blanc bec à casquette, c'est moi qui l'a fait, la femme debout c'est Tante Jus (pour Justine) et le cousin Roger est assis, comme toujours.



Je veux aller vers la beauté mais cette envie se heurte à moi-même.
Parce que la beauté est une exigence. Elle n'existe pas en elle-même, je ne crois pas à ça. Peut-être que, dans un éther idéal, la beauté se meut, infiniment gracieuse et désirable mais cet "infiniment" la met hors de ma portée.
Je n'y crois pas et sans doute que je m'en fiche.

Je sais qu'il faut d'abord ouvrir la porte du cœur avant d'en apercevoir l'éclat. Nous sommes environnés de choses belles pourtant, belles voitures, belles filles de magazine, beaux films, téléphones, chaussures, savonnettes, aujourd'hui tout est beau. Je ne méprise pas cette beauté de tous les jours, au contraire, mais je parle d'autre chose.

Je parle de l'éclair, la fulgurance qui ne me rend pas envieux de la posséder, mais heureux de l'avoir vue, sentie, devinée.
Aucune envie, car elle m'appartient à jamais; en réalité elle était déjà en moi comme un souvenir à venir, une mémoire du futur, peut-être un fragment de moi et des autres, une pièce de mon humanité. Voilà pourquoi il n'y a pas d'envie, pas de désir mais une simple jouissance, une jouissance simple.

Hélas ! aller vers elle est difficile, c'est une nécessité de dépouillement auquel je ne peux me résoudre. L'œil pour la voir doit ôter ses voiles, l'ange briser ses ailes sans certitude de récompense.

Non vraiment, je n'y arrive pas.




jeudi, mars 15, 2007

Les pousse pousse sont souvent très décorés, le propriétaire de celui-ci attendait le client
au marché en jouant aux dames avec un collègue.



Une histoire
La voiture à bout de souffle depuis longtemps, et cette côte qui n'en finit plus. Klaxon énervé du routier derrière qui a encore dix heures de route à faire. Camion au mufle noir et puissant, une menace.
La côte. Mettre la musique à fond, au moins ça, la musique. Fin de la côte, commence un plat en ruban, comme un dessin d'enfant mais la ressemblance s'arrête là. Y'a un sifflement à la portière gauche, depuis toujours, enfin depuis qu'il a cette voiture.

Qu'est ce qu'elle a dit déjà?
Non mais quel con !! Ce gamin, depuis le début il voulait pas le faire, c'est elle qui voulait, lui il se sentait pas. Enfin, plus. On fait pas un gosse pour faire plaisir mais il avait cédé pour éviter les pleurs, les reproches, la jalousie et puis il en avait envie quand même, un peu.
Et vous savez ce que c'est, on s'attache.
C'est elle qui s'était lassée, de la musique qui rapportait rien, des copains fauchés qu'on hébergeait "quelques jours", des bœufs à trois heures du matin, elle elle se levait à six et tralala la vie de bohême, clic clac gratte la guitare mais pas chez moi je veux dormir. Il était parti, c'était quoi ? Octobre ou Novembre, enfin ça caillait. "Quelques jours" chez un copain… le temps de se retourner, douze ans plus tard c'était encore pareil, même galère, mêmes copains et toujours pas un rond. Magasinier, il faisait le magasinier en intérim et puis les bals et la guitare et plus de copines, il avait vieilli chaque fois que l'une d'elles s'était casée.
Lui, pas encore casé, jamais il pensait "jamais".

Quand même on s'attache. Il avait souffert de moins voir le gosse, de moins en moins et de moins en plus du tout. Des lettres, une pension qu'il versait, parfois, au fil des missions mal payées. Moins de lettres, essayer de penser à l'anniversaire.
Qu'est-ce qui lui a pris ? Pas de casque, les jeunes se croient invulnérables alors qu'ils sont fragiles.

Musique, tiens le CD que Richard m'a passé, comment il s'appelle ? ah, Grand Corps Malade… c'est vrai que c'est pas mal … dommage que le son soit bouffé par les râleries de la voiture et les grincements venus du coffre. Il a une voix ce mec. Il laisse tourner en boucle, le CD.
Arbres qui défilent, maisons, publicités. Et des gens, normaux pas angoissés, peut-être que leurs gosses mettent leur casque, eux ? Peut-être que le père est là pour dire "mets ton casque" c'est con ça fait facho et ringard mais faut bien quelqu'un pour le dire. Dans une société bien ordonnée.
Sinon ils mettent pas le casque et ils tombent. Et nous on s'attache malgré la distance, le temps, le vague oubli qui fait honte, on dit pas aux copains "mon fils, j'ai un peu oublié la tête qu'il a et je sais pas combien il mesure" on dit pas. On se tait mais ça empêche pas d'aimer. On sait plus trop qui on aime mais les rêves ça existe. Et puis quelle fierté quand il a appris par ses parents qu'il apprenait la guitare, enfin il voulait apprendre mais elle, elle voulait pas.

Faubourgs, laides maisons plantées en bord de route (nationale, l'autoroute est trop chère), le soleil qui se lève n'arrive même pas à rendre l'endroit accueillant. Il suit les panneaux, pense pas à aller voir un bout de mer avant d'aller à … à l'hôpital. Il connaît les lieux, c'est dans cette ville qu'ils se sont rencontrés et ont vécu les quelques années où tout était possible, ils étaient heureux, le savaient pas mais c'était ça le "bonheur" ça fait pas de bruit.

Neuf heures de route, la voiture est garée en vrac.
Il a juste peur de pas le reconnaître. Il pleure.

Antsirabé est une ville thermale où j'ai appris à faire du vélo mais aucune plaque ne rappelle cet événement et même les vieux à qui j'ai posé la question ont oublié.

mercredi, mars 07, 2007

Une histoire

Ville haute de Fianar. Ils m'ont adopté tout le long du chemin mais en gardant leurs distances. Ils ont joué devant moi, peut-être pour moi, mais pas avec moi

Elle aurait bien voulu entrer en conversation, mais il l'en empêchait.

Assise sur un banc elle lisait des histoires et moi je lisais la sienne. Elle lisait à voix haute, accrochait sur tel mot et mettait des silences dans sa lecture.
L'ensemble était harmonieux et désordonné à la fois, quelque chose comme la désordre.
Elle était là, jetant parfois des miettes aux pigeons. Les pigeons sont des animaux égoïstes, mais gourmands. Ils donnent un instant l'impression d'aimer celui ou celle qui les nourrit, ce n'est pas vrai, c'est juste une impression. Parce qu'ils sont gourmands.

Elle reprenait sa lecture, chaque jour qu'elle venait et elle venait chaque jour, à voix haute et lente. Elle était folle sans doute. Elle portait des habits très colorés mais pas voyants, beaucoup de bleus, d'oranges et d'ocres, Matisse à Venise.
Je la connaissais. Je ne lui avais jamais parlé mais au fil des passages une intimité était née, j'allais dire "entre nous", ce ne serait pas juste parce que je ne sais pas si elle a seulement remarqué mon existence. Elle était là et j'étais là, c'est tout.
Il y avait une église à quelque dizaine de mètres de son banc favori.

Un jour, il n'y eut plus personne sur le banc. La place était vide de cette femme.
Un autre jour l'église fut cachée par le glas, un enterrement où personne ne suivait le cercueil. C'était elle, j'en suis sûr alors je l'ai accompagnée. Je vous l'ai dit elle lisait des histoires et moi je lisais la sienne.

Et c'est curieux, malgré le banc vide, les pigeons continuent de venir.