jeudi, mars 15, 2007

Les pousse pousse sont souvent très décorés, le propriétaire de celui-ci attendait le client
au marché en jouant aux dames avec un collègue.



Une histoire
La voiture à bout de souffle depuis longtemps, et cette côte qui n'en finit plus. Klaxon énervé du routier derrière qui a encore dix heures de route à faire. Camion au mufle noir et puissant, une menace.
La côte. Mettre la musique à fond, au moins ça, la musique. Fin de la côte, commence un plat en ruban, comme un dessin d'enfant mais la ressemblance s'arrête là. Y'a un sifflement à la portière gauche, depuis toujours, enfin depuis qu'il a cette voiture.

Qu'est ce qu'elle a dit déjà?
Non mais quel con !! Ce gamin, depuis le début il voulait pas le faire, c'est elle qui voulait, lui il se sentait pas. Enfin, plus. On fait pas un gosse pour faire plaisir mais il avait cédé pour éviter les pleurs, les reproches, la jalousie et puis il en avait envie quand même, un peu.
Et vous savez ce que c'est, on s'attache.
C'est elle qui s'était lassée, de la musique qui rapportait rien, des copains fauchés qu'on hébergeait "quelques jours", des bœufs à trois heures du matin, elle elle se levait à six et tralala la vie de bohême, clic clac gratte la guitare mais pas chez moi je veux dormir. Il était parti, c'était quoi ? Octobre ou Novembre, enfin ça caillait. "Quelques jours" chez un copain… le temps de se retourner, douze ans plus tard c'était encore pareil, même galère, mêmes copains et toujours pas un rond. Magasinier, il faisait le magasinier en intérim et puis les bals et la guitare et plus de copines, il avait vieilli chaque fois que l'une d'elles s'était casée.
Lui, pas encore casé, jamais il pensait "jamais".

Quand même on s'attache. Il avait souffert de moins voir le gosse, de moins en moins et de moins en plus du tout. Des lettres, une pension qu'il versait, parfois, au fil des missions mal payées. Moins de lettres, essayer de penser à l'anniversaire.
Qu'est-ce qui lui a pris ? Pas de casque, les jeunes se croient invulnérables alors qu'ils sont fragiles.

Musique, tiens le CD que Richard m'a passé, comment il s'appelle ? ah, Grand Corps Malade… c'est vrai que c'est pas mal … dommage que le son soit bouffé par les râleries de la voiture et les grincements venus du coffre. Il a une voix ce mec. Il laisse tourner en boucle, le CD.
Arbres qui défilent, maisons, publicités. Et des gens, normaux pas angoissés, peut-être que leurs gosses mettent leur casque, eux ? Peut-être que le père est là pour dire "mets ton casque" c'est con ça fait facho et ringard mais faut bien quelqu'un pour le dire. Dans une société bien ordonnée.
Sinon ils mettent pas le casque et ils tombent. Et nous on s'attache malgré la distance, le temps, le vague oubli qui fait honte, on dit pas aux copains "mon fils, j'ai un peu oublié la tête qu'il a et je sais pas combien il mesure" on dit pas. On se tait mais ça empêche pas d'aimer. On sait plus trop qui on aime mais les rêves ça existe. Et puis quelle fierté quand il a appris par ses parents qu'il apprenait la guitare, enfin il voulait apprendre mais elle, elle voulait pas.

Faubourgs, laides maisons plantées en bord de route (nationale, l'autoroute est trop chère), le soleil qui se lève n'arrive même pas à rendre l'endroit accueillant. Il suit les panneaux, pense pas à aller voir un bout de mer avant d'aller à … à l'hôpital. Il connaît les lieux, c'est dans cette ville qu'ils se sont rencontrés et ont vécu les quelques années où tout était possible, ils étaient heureux, le savaient pas mais c'était ça le "bonheur" ça fait pas de bruit.

Neuf heures de route, la voiture est garée en vrac.
Il a juste peur de pas le reconnaître. Il pleure.

Antsirabé est une ville thermale où j'ai appris à faire du vélo mais aucune plaque ne rappelle cet événement et même les vieux à qui j'ai posé la question ont oublié.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Good for people to know.