vendredi, juin 09, 2006

PROFONDEUR

Nous sommes des êtres de matière, nous avons une épaisseur; une profondeur aussi, grâce à nos ancêtres et nos parents; non parcequ'ils ont existé, mais par ce qu'ils existent en nous. Plus de traces que ce dont nous avons en conscience immédiate.
Oui, nous sommes faits d'épaisseur, et de profondeur.

Une image, une photo sont par essence des objets sans profondeur. Le cinéma aussi.

La papier, papier papier ou papier photo, sont minces, peu rigides, définis par leurs bordures qui leur donnent taille et forme. La toile d'un écran de cinéma, c'est pareil, mince et sans épaisseur.

La scène ou l'objet qui est représenté, est toujours un événement du passé ( d'où le mot de re-présentation) et c'est assez savoureux lorsqu'il s'agit d'un film de science-fiction; c'est toujours du passé puisque ça a été tourné, filmé, dessiné avant que je le voie. D'autre part chacun est sensible au support tel qu'il est, sensible même si non conscient à sa presqu'inexistence.

Au théâtre, c'est le contraire. La profondeur de la scène, l'épaisseur des acteurs au sens physique du mot donnent au théâtre épaisseur et profondeur. La re-présentation est là une manière de remettre au présent, un toujours présent, une perpétualité que chaque seconde remet en question; en tirant un peu sur les mots, il est possible de dire qu'on peut voir deux fois le même film, mais on ne verra jamais deux fois la même pièce.

La passé est un objet présent dans la mémoire, par ses traces, il est sans épaisseur, il n'existe pas (seul le présent existe).

J'ai souvent rêvé de pouvoir vivre comme au moyen-âge, sans jamais voir aucune image hors les vitraux des église - pour ceux qui n'habitaient pas trop loin d'une église suffisamment riche.

Je n'imagine que très mal le choc que devait être pour eux la moindre image, dessin… même si j'ai passé dix ans de ma vie sans mettre les pieds dans un cinéma, même si je n'ai pas de télé et qu'à ma connaissance aucun de mes amis n'en a exceptés Dana et Raphaelle qui en ont une (mais elle ne marche pas) et Eric et Martine, qui en ont quatre (mais ils vivent à l'étranger). Je suis devenu conscient et sensible, en retournant voir quelques films, au déferlement de violence des images, à la perpétuelle surenchère émotionnelle, à la présentation, sous une forme ou une autre, de la vie comme situation de crise.

Parce que nous avons dépassé le stade du simple émerveillement devant l'image, celle-ci pour faire oublier son péché originel - le manque de profondeur - se doit d'aller vers toujours plus de violence, de sexe, de brutalité.

Cela n'est pas nécessaire au théâtre, enfin, pas encore.

Les livres sont des êtres intermédiaires, liés au passé puisque déjà écrits . Mais ils sont épais, parfois lourds. Du fait que je peux les annoter, les corner, souligner, ils s'enroulent à mon présent, d'autant mieux que le temps de la lecture est un temps maîtrisé, intégré. Et puis il y a le côté sensuel du livre, son toucher, son poids, son odeur.


................................................... Hier soir je suis allé voir Roméo et Juliette avec les "cartoon sardines". Mise en scène kitsch, couleur rose bonbon, un régal de drôlerie, d'humour, d'amour, de sentiments et d'émotions. Une performance d'actrice époustouflante. Et je le jure, de la profondeur, de la profondeur !!
Ils jouent cette pièce à Avignon cette année, je la conseille vivement. En plus, j'avais la plus belle voisine du monde.








1 commentaire:

La notice a dit…

J'ai souvent rêvé de pouvoir vivre, comme au moyen-âge, sans jamais voir aucune image hors les vitraux des églises. Dites-vous. Les vitraux n’étaient jamais que les télévseurs de l’époque... Non ?