jeudi, juillet 30, 2009

Ciel Ouvert

Transmission




Corps trouble. L'esprit de branche en branche, singe exalté.
Pendant le silence, des bruits dans la maison.
Je voulais entendre le son de ma voix emplir le monde mais des bruits ténus, presque fragiles. Elle, comme une barrière.



J'entends chaque matin, très tôt, de tout petits enfants près de ma fenêtre. Chaque matin, une jeune femme s'installe dans le petit jardin, pour meuble une feuille de plastique; elle, là avec ses deux enfants, quelques mois pour l'un, l'autre deux ans peut-être. Sans logis. Une bouteille de Coca Cola, sans Coca, de l'eau. Voilà. Elle est là.

mercredi, juillet 29, 2009

BANDRELE

Les femmes se dirigent vers le M'Biwi, généralement en groupe. Chaque quartier a ses "couleurs".
Elles marchent lentement. On voit dans les mains de deux d'entre elles les baguettes de bois, du bambou souvent, avec lesquelles elles vont rythmer la danse.



J'ai déjà dit comme les femmes de Mayotte sont impressionantes (mais le mot n'est pas précis) lorsqu'elles sont en groupe. Il se dégage d'elles, alors, une sensation de force évidente. Pas seulement à cause de leur poids, même si il joue son rôle.
J'aime leurs vêtements colorés, leur belle attitude, le silence tranquille de certaines au milieu des flots de paroles - ah! elles ont le verbe haut. Quant aux fesses rebondies qui dansent, le m'Biwi c'est surtout des fesses en mouvement...

lundi, juillet 27, 2009

Courir sous la pluie

M'biwi à Bandrele Dimanche





S'accorder comme on accorde un piano : tendre, régler, écouter, ajuster.
Il vaut mieux faire le vide dans la pièce pour éviter tout bruit parasite. Procéder lentement et progressivement, note par note, octave par octave en prêtant une attention particulière aux octaves extrêmes.
C'est long pour s'accorder un vrai moment de silence, qu'aucune note ne viendra rompre mais au contraire souligner.
C'est long pour apprendre à goûter ce moment.

J'avais appris il y a longtemps, puis j'ai oublié.
Je réapprends.

jeudi, juillet 23, 2009

Douce

Embouteillage à Mamoudzou


Je me ferai la peau avec les ongles
Je m'arracherai les dents avec les dents
Je me briserai les cotes avec les poings
Et mille choses encore et même alors
Je resterai à l'orée de mon secret

Je garderai le silence pendant cent vingt ans
L'immobilité pendant deux cents ans
Les yeux fermés pendant autant
Et mille ans encore si vous le demandez
Je resterai à l'orée de mon secret

Je pourrai te caresser pendant dix siècles
Te pénétrer de tous côtés
Te lécher, te sucer, te manger
Je resterai toujours à l'orée de ton secret




Il a une chemise bleue, de ce bleu qu'on appelait horizon autrefois. Il l'a mise parce que c'est tout ce qui lui reste de propre. Il veut être net aujourd'hui, c'est son anniversaire. Cinquante cinq ans. Ce n'est pas un exploit, mais il ne s'était jamais imaginé arriver là, alors il est surpris.
Il s'est rasé et il sent bon grâce à l'after shave acheté à la Superette hier. C'est son cadeau à 5,85 Euros, avec le thé Lipton en sachets qu'il prépare dans une casserole. Pendant qu'il verse le thé dans la tasse blanche, il s'interroge sur le sort de ses enfants. Ils doivent avoir la trentaine maintenant, ils sont mariés, peut-être. Ils ont des enfants, peut-être. Ils sont heureux, sûrement.
Le chant d'un oiseau dehors et le chat qui se glisse par la fenêtre.
Oui, c'est ça, sûrement.

mercredi, juillet 22, 2009

Peut être trop





Je m'habitue à ma nouvelle habitation. Je goûte le plaisir de la courtitude des trajets entre maison et bureau. En revanche je ne remarque plus le paysage, surtout je ne profite plus de ce bref moment où, arrivant en haut d'une sorte de col après Ongoujou, le lagon s'offrait à moi.
Après l'avoir dépassé je laissais la voiture descendre jusqu'à Tsararano vers où elle allait presque toute seule malgré les virages. Cette vision du lagon m'a toujours émerveillé et lorsqu'ensuite je le longeais sur la rocade de M'Tsapéré il m'émerveillait encore malgré la médiocrité du paysage à cet endroit.

J'ai revu "Jules et Jim". Je n'avais jamais imaginé qu'il s'agit en réalité d'un amour entre deux hommes, délicat, inavoué, à travers une même femme qui n'est peut-être pas vraie, juste un symbole. Ce film est tout au long sur le fil du rasoir, comme la voix de Jeanne Moreau lorsqu'elle chante dans le chalet de Jules. Presque à se casser et puis non.

Journée morose et la pluie cette nuit. J'aime la pluie au milieu des nuits moroses. J'aime la mélancolie des jours plus longs, les rues vides dans la ville, la solitude.

mardi, juillet 21, 2009

Karni Krott


Mon garde du corps est toujours sur le qui vive...



La porte s'ouvrit brutalement, claqua contre le mur et l'huissier, bousculé dans la pièce, tituba un instant avant de retrouver son équilibre.
Le ministre de l'agriculture se mit à bafouiller en plein milieu de la présentation de son rapport sur "les zones à vocation d'intensification et les aides ciblées aux intrants" puis se tut lorsqu'un militaire blême se présenta, l'arme au point. On entendait dans le hall un bourdonnement inhabituel, des va et vient, des courses et quelques cris.

Le Président se leva lentement " Que se passe t-il, Général ?". Sa voix restait encore maîtrisée.
Le général le regarda pendant un long moment de silence puis dit " Monsieur le Président, le régime est tombé". Dehors on commençait à entendre des bruits de foule.

Le Président se rassit lentement, ses mains tremblaient. D'aucuns dirent que l'on vit une larme couler le long de sa joue. Il demanda
"Général ?"
" Oui, Monsieur le Président"
" Vous l'avez vu ?"
" Oui, monsieur le Président"
"…… Alors…."

Prenant appui sur la table, il se releva lentement et s'adressa aux ministres :
"Mesdames, messieurs, étant données les circonstances, le conseil des Ministres est suspendu. Veuillez je vous prie rester disponibles. Je vais voir ce qu'il en est, monsieur le ministre de l'agriculture m'accompagnera" puis il s'éloigna, accompagné du ministre et du général.

Dans le champ entouré de soldats, ils sont tous les trois debout. Au sol, le dernier régime de bananes du dernier bananier du pays. Le Président, le ministre et le général et tous les soldats pleurent.

lundi, juillet 20, 2009

Chrysanthèmes




Il me semble que si je devais faire la guerre, je la ferais mieux au son du clairon et du tambour.

vendredi, juillet 17, 2009

Des petits pas dorés

La terrasse, vue depuis la non encore terrasse.

Ariel est mon redoutable garde du corps.


Hypothèse du vent
Le vent est un porteur de message.

Hypothèse de la pluie
La pluie, ce sont des larmes d'amour enroulées

Hypothèse du nuage
Le nuage est un enfant roi

Hypothèse de la poule
La poule est un sursaut de surprise, tôt le matin

Hypothèse de la vague
La vague est l'hommage du plaisir au désir, ou l'inverse

Hypothèse de la poussière
La poussière est l'envie de rouge dans la vie d'un homme triste

Hypothèse du général
Le général est l'enfant que je n'ai pas été

Hypothèse du matin
Le matin est le lieu de tous les jamais

jeudi, juillet 16, 2009

Séance plénière

J'habitais une maison de vent. J'habite maintenant une maison de coeur et d'âme.
Je vois cela depuis l'entrée.


Un peu plus haut dans le jardin, Alix, qui fut mon professeur de karaté il y a trente ans, a construit un dojo. Il y enseigne, avec Symiane son épouse, aux enfants. Il parle d'une voix douce et égale, tranquille. Les deux petites filles sont des voisines un peu chipies qui m'appellent... "tonton".







Séance plénière.

Dans le cadre de la baie vitrée. Je vois le lagon scintiller et en plein centre la masse sombre d'un îlot. Plus loin la ligne blanche et fine de l'écume que la barrière de corail provoque. Au delà d'elle, la silhouette d'un bateau immobile.

Tout est d'un calme effrayant. Et il y a trop de soleil.

Une femme se lève. Va t-elle danser ? je l'espère. Non, d'un geste sec elle ferme les occultations.
Ombre. Il y a trop de soleil.

vendredi, juillet 10, 2009

Eau de rose (Recyclée)




Tu étais au piano, un soir chez des amis communs. J'étais un peu ivre, un peu et je m'ennuyais. Je t'ai écoutée, j'ai dit "c'est du Monk ?". Sans cesser de jouer tu as dit oui en inclinant la tête. Après quelques minutes tu m'as demandé de t'apporter à boire. Ta voix était un peu voilée.

Je ne sais pas résister aux femmes dont la voix est un peu voilée, surtout quand elle joue Monk au piano. J'ai choisi je crois un verre de vin blanc, il était excellent. Tu m'as regardé attendant que je parle, dans un silence amusé. J'ai parlé. Je l'ai dit j'étais un peu ivre mais tu as ri, puis tu as parlé, très peu. Tu as joué à nouveau. J'ai dit "j'adore Monk !" et j'aurais voulu t'emmener dans ma chambre, là tout de suite. Tu as joué à nouveau, ensuite je ne sais plus très bien mais je t'ai retrouvée près de moi avec à la main un petit sac de cuir rouge. Tu as dit "je n'ai pas de voiture mais je vous ramène chez vous".

C'était il y a cinq ans à peu près. Ton piano est dans le salon. Ah, ça fait un moment que je sais, ce n'était pas un morceau de Monk (c'est Mélanie qui me l'a appris). Quand tu m'as ramené chez moi, tu as visité l'appartement, tu as dit "ça me plait". Je t'ai emmenée dans ma chambre, j'étais un peu ivre. Il s'en est suivi quelques jours et beaucoup de nuits. Surtout des nuits. Maintenant ton piano est dans le salon et ton silence partout dans la maison. J'écoute un disque, un vynile j'en ai encore quelques uns. Ca gratte et ça crachote. La voix de Terry Williams – toi c'est le jazz, moi c'est le blues - la voix de Terry Williams a l'air de planer paresseusement par dessus. Par dessus ton silence. Je suis nu et je bande un peu mais sans conviction, il fait trop chaud. J'ai bu quelques verres de vin blanc. Assez pour être légèrement ivre. Je me lève, je vais vers le piano, je tapote quelques touches. Ca fait un son idiot. Je ne sais pas jouer, je préférais t'écouter de toutes façons. Le son sonne et résonne étrangement, je ne l'ai encore jamais entendu comme ça, par dessus la voix de Terry Williams. Et ton silence. Le bruit de la porte qui s'ouvre. Mon coeur cesse de battre...

Tu es magnifique tout en blanc, tu me dis "monsieur, il faut vous habiller, je vous emmène", oui, oui, je vais m'habiller, je vais pas me marier tout nu quand même. Je t'embrasse et je te dis doucement au creux de l'oreille "tu sais, il y a longtemps que je sais". Tu me regardes, l'air interrogateur. " Que ce n'était pas du Monk".

jeudi, juillet 09, 2009

Photôlegraphie

37 Rue Bellevue




Absolument.
Absolument veut dire "oui" c'est comme ça dans le poste où les gens ne parlent pas français mais le branché et en branché "oui" c'est : "absolument".

J'imagine qu'il s'agit de donner force et énergie à "oui". Il a en effet deux avantages :
Premier, "absolument" permet mettre un accent tonique sur la dernière syllabe, ce qui donne du panache et un air convaincu (AbsoluMENT"). C'est impossible avec "oui".
Deuxième "absolument" est déjà un discours.
"Monsieur le Ministre, appliquerez vous …."
"Absolument… (silence)… "


Un jour, après que la Grande Mutation aura eu lieu, nous entendrons dans le poste
"Monsieur le Ministre, m'aimez-vous ?"
"AbsoluMENT… (silence) …"



mercredi, juillet 08, 2009

Un jeune homme devant une maison en tôle





Je prépare le dix-huitième déménagement de ma vie d'adulte. A nouveau des cartons pour un nouveau déménagement dans un nouveau lieu.
Mais où que j'aille, je ne retrouve jamais que moi.

lundi, juillet 06, 2009

Toles de Mayotte

Une petite fille devant une maison en tôle


Paresse d'écrire. Non, pas encore. Je voudrais que l' écriture me rentre dedans. Mais elle me survole. Elle m'abandonne ensuite, je reste frustré. J'écrivais ces dernières semaines, pendant la pause de midi, dix minutes parfois quinze. Pas plus. Beaucoup trop.
Paresse d'écrire. Ecrire est un muscle. Schlakkkkk!! Susceptible de déchirure.
Tant mieux. J'ai envie de violence.

J'en suis incapable, pourtant.


Il y a des musiques que j'aimais. Je les ai oubliées. Je me fais une joie de les redécouvrir un jour.

J'ai longtemps hésité. Puis, j'ai emmené à Mayotte mon couteau à lame Damas et un minuscule couteau portugais. Les autres, je les ai laissés à Marseille.

Maintenant, il est temps de rentrer à la maison. Si je ferme les yeux et je me demande "c'est où chez moi ?" je ne peux que répondre que je ne sais pas.

vendredi, juillet 03, 2009

Les Poings dans les Poches à Verlaine





Je me suis rendu sur le site Xiti qui me sert de compteur. Un de ses charmes est de signaler par quelle requête un internaute est parvenu sur le site du blog, lorsqu'il y est arrivé via un moteur de recherche. La lecture est surprenante, en voici un florilège.
Plusieurs thématiques peuvent être dégagées et à tout seigneur tout honneur : La Baleine.

Quelques interrogations d'internaute au sujet des baleines, fautes d'orthographe incluses
"yoga du baleinau", "baleine humaine", "Jack le baleino", "balaine en pétard", "vomi de baleine" il y a plusieurs demandes autour du vomi de baleine, "déménagement de baleine", "Raymond la Baleine", il y a le mystérieux "tramway de baleine" et enfin le "bocal pour baleine" qui me pose question.
Mais il y a aussi cette jolie requête " poésie sur la baleine pour la fête des pères".

Une thématique à connotation sexuelle s'exprime souvent sous les deux interrogations de gros seins et des femmes saoûles
"vidéo femme saoule qui vomit", malgache au gros seins", "mahoraise gros seins", "baleine faire l'amour", "fille saoule vomi" c'est peut-être le même pas satisfait de sa première requête ? "bite queu chatte" je rappelle que l'orthographe est d'origine, "femme qui fait pipi sous la douche", "en douceur et en profondeur" que je classe dans cette rubrique mais je ne suis pas sur que ce soit sa place. Pour clore ce thème la question qui dérange "est-ce que les gros seins…". Oui, vraiment je me demande si les gros seins.

Une autre thématique, parce que j'ai commis un post appelé "synonyme" (je crois), concerne les demandes de synonymes justement.
"synonyme de encore moins" "… de plus vierge" sans doute une jeune femme essayant d'annoncer à son fiancé un peu trop coincé qu'elle est … voyons le synonyme de plus vierge c'est ? je chercherai, promis. "Synonyme de face enspermée", pourrait être dans la rubrique ci-dessus, "synonyme de petit paresseux", "…de déjà dit", "… de je n'y suis pour rien". Et puis "synonyme du mot aventure de la vie" que suit "synonyme de pas de bol".
Mais il y a, qui m'a tellement touché, " synonyme de j'ai besoin de tendresse". Par quel miracle cet internaute est-il arrivé sur une page de "l'envol de la Baleine" je l'ignore, mais - s'il lui arrive de revenir, ce post est pour elle ou lui.

Il y a des poètes qui cherchent …
…"les poings dans les poches à Verlaine" ou des "poèmes de joie sur le ghetto"

Enfin, une thématique large, celle des demandes vraiment, vraiment inclassables
"est ce qu'il y a un poisson qui peut tuer la g.." et "poisson qui soigne les mal de tête physique"
"chanson épinoire"
"le tic tac fait il grossir"
"croupe Ségolène"
"histoire du corned beef indien"
"la plante vit sans le savoir"
"je n'aime pas quand il y a des perquisitions chez me"

Je finis avec : "mentalité des congolais" et cette question que chacun se pose "! il y' q r1". Je suis sûr que 'l'Envol de la Baleine' lui a donné réponse.

mercredi, juillet 01, 2009

Coupure de presse




Marcel peint Mayotte et les Comores depuis 15 ans, peut-être plus. Ses peintures sont figuratives et quelqu'un m'a dit "on dirait des photographies". Non.

Les peintures de Marcel sont puissantes, pleines de vie, de matière, de couleurs et de lumières. La nature y est grande, très grande.
Peintures nées de la vie des Comores, elles en parlent.

Mais, on pourrait chercher partout dans l'île les scènes qui sont représentées. On ne les trouverait pas. Parce que Marcel traque, dans ces paysages quotidiens, dans ces scènes de la vie ordinaire, ce qui est beau. Un geste, une couleur, un homme en tshirt rouge à côté d'un baobab imposant, les racines d'un arbre prêtes à étrangler des enfants qui passent, une femme en jaune. C'est cette beauté qu'il s'agit de révéler - non la représenter, la révéler.

Il serait certainement possible de représenter des paysages similaires, des scènes comparables, à l'aide de photographies. Ces photos pourraient même être très belles mais elles seraient banales, elles représenteraient un exotisme mille et mille fois vu. Or, lorsque je regarde des peintures de Marcel et que je me promène ensuite dans la rue cette beauté me saute aux yeux, elle me devient évidente. Je vois ce que je ne voyais pas.
Que s'est-il passé ? Quelle alchimie a provoqué ce changement dans mon regard ?
C'est le propre de l'art que de me permettre de m'émerveiller du monde.

Je sais que je m'endors très vite, je m'habitue. Mais je suis toujours heureux lorsqu'il m'est permis de retrouver le bonheur de vivre, le bonheur des choses qui m'entourent, la beauté du monde, la puissance des couleurs, l'humanité, l'humanité.

Marcel est un personnage puissant comme ses peintures, truculent. Le personnage est ainsi, mais le peintre lui est humble. C'est un mot que j'avais employé dans un post que j'avais écrit lorsque j'ai découvert ses peintures (je crois). Humble parce que il ne met pas Mayotte, sa vie quotidienne, ses paysages, ses habitants à son service à lui mais c'est lui qui se met à leur service.
Vous trouverez quelques traces de ses peintures sur son blog http://comores-mayotte-art.blogspot.com/, vous verrez qu'il est un observateur attentif et drôle de la vie maoraise.