jeudi, octobre 14, 2010

TaTouMa




Il y a longtemps j'écrivais des poèmes sans rimes. Ou bien des textes de poésie sans raison.
Et j'en ai lu beaucoup.

Avant j'avais passé ma jeunesse et une partie de ma vie d'adulte à lutter contre l'amour de la poésie et de la danse. La poésie j'en lisais à condition qu'elle fût classique, hexadécimale et adoubée. Au-delà de Rimbaud je me méfiais (il n'a pas fait que des alexandrins, cela dit…)
De la poésie j'admirais le rythme, la rime, les complexités et les subtilités, la performance technique. Mais je refusais de me laisser troubler par les sentiments, je refusais d'être saisi par le plaisir. Ah, ce plaisir fourbe ! Ah, ces élans puissants qui menaçaient de (de quoi… je ne sais pas)
J'en avais peur, panique à tous les étages.

En même temps je ne cessais de m'en approcher, de feuilleter dans les librairies et les bibliothèques des ouvrages tirés du rayon poésie que je n'emportais jamais, parce qu'ils ne ressemblaient à rien, sans rimes ni raison.
J'allais comme un pervers honteux au rayon porno des librairies, feuilletant, hésitant, tripotant. Et finalement partant avec un France Dimanche sous le bras, une érection hors contrôle dans le slip et dans la tête, mais avec un journal présentable.

Je commettais quelques alexandrins, bien entendu. En deux fois six si possible avec des sentiments vastes et profonds, universels et autant que possible tragiques, car seule la mort était à la hauteur de ma poésie, et encore pas n'importe laquelle (il y en a plusieurs sortes, le saviez-vous?).

Bon, parfois ils étaient d'un genre plus aérien :
"…Il suffit d'être un cul mais pourquoi déprécier
Cette noble partie sur laquelle tu t'assieds…", vous voyez, légers.

J'ai également inventé trois genres nouveaux, l'Alexandra, le Constantin, le Paradis Celtique. L'Alexandra est un vers qui fait douze pieds mais seulement en moyenne (un vers de onze pieds est compensé par un vers de treize pieds).
Le Constantin est un vers qui fait le nombre de pieds qu'on veut à condition qu'il y ait dedans le mot "main" ou le mot "demain", afin de compenser l'injustice du décompte en "pieds".
La Paradis Celtique commence automatiquement par les mots "Par Toutatis" et se termine par les mots "Je crois que suis mort" et doit faire dix pieds exactement. Il rime forcément et seulement avec "corps", "tort" ou "débord".

J'en ai inventé d'autres mais j'ai oublié…

Aujourd'hui je n'écris plus de poésie et voyez le résultat : le chômage augmente, la suppression quasi certaine du bouclier fiscal et les pluies d'automne mais j'hésite à m'y remettre, je manque de désespoir.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Espoir, quand tu nous tiens"
et puis, faites comme moi, regardez toujours vers demain ...
à condition, bien sûr, d'y croire..
signé "une aimante"..;)