jeudi, octobre 18, 2007

UN SOFA ROUGE

Images du Portugal... un texte de Jacques, un texte de Laurence














Nous nous promenions dans Braga sous une pluie fine. Le ciel s’accordait au granit des bâtiments, il y avait peu de monde dans les rues.
Le soir commençait à venir lorsque nous croisâmes une église, petite avec une entrée presque dérobée et fermée par une grille.
Bien que le granit soit une pierre dure et difficile à sculpter, les bâtiments à Braga sont richement baroques et décorés à profusion. Il n’en allait pas ainsi de cette vieille église sobre, qui gardait des proportions et des formes romanes.

Du côté par lequel nous arrivâmes, il y avait ces deux sculptures sur une corniche large et plate, toutes seules. Il ne m’a pas semblé que d’autres sculptures aient jamais été là, la corniche était intacte, il n’y avait pas d’entablement vide, pas de traces de statues arrachées, il n’y avait que le plat de la corniche sous le gris moelleux du ciel.

J’ai pris la photo parce que ces deux statues nous disent quelque chose. Mais quoi ? Je n’avais qu’un sentiment vague et violent, vous connaissez cette impression de ‘déjà vu’, de reconnaissance de ce que pourtant on ne connaît pas.

Un homme regarde le ciel. Il parait serein. Il y a dans le ciel une trouée de lumière et le regard de son visage levé semble dirigé vers elle. Est-il assis ou en train de s’agenouiller (sans doute pas à cause de la position bien droite du corps) ? Il tient quelque chose dans sa main, un livre peut-être.
Derrière lui une bête terrifiante, gueule large ouverte. Veut-elle le dévorer ? La bête n’a pas de corps et sa gueule jaillit tout droit du mur.

Lui, entre le ciel et l’enfer, connaît la lumière malgré les nuages.
La bête n’a pas de corps et est ancrée dans le mur ; s’il avance il est sauvé. Si il se retourne, s’il ne quitte pas son passé, il est dévoré.
Mais lui et la bête ont la même nature, pierre grise. Elle est COMME lui, elle est lui, n’est-ce pas ? Alors, ayant reconnu cela il ne fuit pas et s’est assis sans peur. L’immense du ciel lui suffit.

Depuis mille ans, il n’a pas peur.





















La maison est ouverte sur l'océan
ouverte aux vents
qui profitent de l'abandon
s'engouffrent par delà le voile
volé aux fenêtres abandonnées
Et les volets qui ne sont plus
ont cédé aux vents
qui se moquent du vieux bois
soumis par les années

Le voile enlevé, la demeure n'est plus
elle offre tristement ses yeux creux
on devine la profondeur de ces lieux
qui jadis pouvaient étourdir

Aujourd'hui le lierre l'enlace
de ses bras maigres
envahit son âme
et vole son passé

Le bois des volets est fragile
de trop d'érosion, trop de sel
et la façade est envahie
comme violée
elle a perdu son arrogance
qui la rendait désirable
aux marées montantes

L'océan lui même s'est retiré
vers d'autres rives, ou d'autres coeurs
D'autres formes sont nées
laissant à la demeure abandonnée
ses balcons sensuels désormais rouillés

Ses fenêtres n'ont plus de mystère
la soie usée a dévoilé le regard rendu creux
les fenêtres trop accessibles n'offrent au voyageur
que le rêve d'un soir d'autrefois

le rêve d'un sofa rouge

3 commentaires:

Arthur H. a dit…

J'aime beaucoup ta manière de créer une ambiance et ton texte pour les Impromptus.
Amitiés

http://arthur-hidden.blogspot.com

Anonyme a dit…

quand tu avanceras dans le temps et dans le monde, j'espère que tu n'hésiteras pas à te retourner et à me regarder te sourire.

Anonyme a dit…

Une chambre à Braga

La chambre est usée
Le sofa rouge s’est courbé, avachi
Le lit a perdu l’équilibre
Il vacille de trop d’amours ivres
Et la vieille femme pense

Les draps se voudraient soie
Et le duvet de satin
Mais le temps est carton
Et la vielle femme s’est figée

Le vieil hôtel Francfurt a mal au dos
Ses escaliers se tordent
A chaque étage
Et la vielle femme pose près du piano édenté

Et le sol râpé
Sous la moquette usée
Fais crier le bois à chaque pas
Que la vieille femme n’entend plus

Le vieil hôtel est déserté
La vieille femme oubliée
Et la chambre 26
Gardera le cri du plancher
Et le souvenir des pas qui s’éloignent
Et ne reviendront pas