mardi, avril 13, 2010

Une excuse valable



Une dernière touche, dans les ocres bruns sur le coin du bec de l'oiseau sur l'épaule gauche, une évocation de l'Esprit.
"Voilà, c'est fini tu peux rentrer, passe demain je te paierai… voyons nous avons fait huit séances de pose c'est ça ?"
"Neuf, nous en avons fait neuf dont une de douze heures qui compte double"
"Ah oui, oui c'est ça, donc neuf séances et…"
"Dix séances, neuf dont une qui compte double ça fait dix"
Le peintre pesta intérieurement contre ce modèle qui savait compter. "Je devrais lui donner trente deniers c'est ce qu'il mérite.." mais il le garda pour lui.

Pendant ce temps le Christ se rhabillait lentement, ankylosé par la longue séance. Cette fois c'était une descente de croix, un sujet particulièrement épuisant. Mais il pestait, lui, contre ces humains qui n'écoutaient pas ses sermons (pourtant il les avait travaillés pendant deux mille ans, jugeant que la première fois il n'avait pas été assez clair). Mais les humains n'entendaient rien, il n'adoraient que son image et répétaient des bouts de phrase dans leurs églises d'où un curé l'avait chassé une fois. "Allez dehors, pas de barbu pouilleux dans mon église, et juif en plus. Allez ouste, du balai…"
Alors parce qu'il fallait bien vivre, il posait chez des peintres qui peignaient le Christ. Le travail ne manquait pas, forcément il avait la tête de l'emploi.

Un jour dans la rue on lui demanda ses papiers. Il eut le tort de répondre qu'il n'avait que la parole. "Je suis le Verbe" dit-il, ce qui prouve qu'il n'avait pas intégré les bons réflexes.
"De quoi, on se moque ??? Chef, Chef, y'a un malin ici…"
On l'embarqua. On le menotta. On l'interrogea, on l'enferma, on le jugea mais on ne l'expulsa pas puisqu'il s'obstinait à répéter qu'il venait du Royaume des cieux et nul ne savait d'où il venait vraiment. De guerre lasse, on le remit dehors onze mois et vingt deux jours après son arrestation, libre.

Il retourna dans les bars gays qu'il aimait fréquenter mais les amis qu'il s'était fait, une douzaine de coquins libertins étaient partis au Larzac rejoindre une secte hindouiste.
Il était seul, sans savoir où aller ni que faire, sans argent, sans domicile… Rien !
Alors qu'il réfléchissait à son sort, assis sur un banc, un homme s'approcha de lui "incroyable, c'est incroyable, oh mon Dieu je rêve…" Le Christ le regarda, dans ses yeux toute la douceur du monde. En plus, l'homme était beau gosse, jeune encore et bien tourné.
"C'est incroyable, oh c'est une bénédiction, venez, venez… "
Le Christ de leva avec majesté. Enfin on le reconnaissait.
"Je suis peintre et publicitaire aussi, oh, venez, venez vous êtes parfait…Le modèle qu'il me faut ! Venez"

Il le suivit, allons, encore un peintre, il avait cru que… Mais il savait que son heure viendrait, qu'il serait bientôt connu du monde entier et que son message rendrait l'espoir aux hommes de bonne volonté. En attendant, il suivit le peintre.

Il posa et deux mois plus tard, après une campagne de publicité sans précédent, les premières boites de Vache Qui Rit s'arrachèrent en quelques heures.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

... et alors... que veut dire ce grand silence.
J'espère que tu vas bien.

M. et J. Aix

Anonyme a dit…

Je reviens à ton blod !!!! rien.

Nous nous inquiétons un peu.

M. et J.

Anonyme a dit…

tres interessant, merci