La
porte s'est ouverte, flot des personnes qui descendent, de ceux qui montent.
C'est comme la mer, un flux sans cesse le même et jamais le même, la même eau
et pas la même en même temps.
Je
l'ai vue ce jour-là dans le métro, entre Saint-Charles et Vieux-Port.
Ferme
les yeux, tu la verras, la peau un peu brune – non, un peu plus que ça – et douce
j'en suis sûr, avec de longs cheveux bruns, forcément bruns puisqu'on est à
Marseille et la ligne de son corps comme personne n'avait jamais pensé auparavant,
Picasso dans sa période rose peut-être mais personne d'autre. Il faut oublier
les mots pour vraiment la voir, revenir à la pensée avant les mots, une pensée
plus liquide et plus forte. Oublie les mots si tu veux la voir.
Je
déchiffre ses oreilles. Je calcule son cou, j'esquisse ses seins, j'écris son
ventre, je multiplie ses fesses, elle est une beauté mathématique entre
Saint-Charles et Vieux-Port.
Mais
je l'ai déjà vue, cette femme, je l'ai vue nulle part et jamais.
Elle
est voilée de la tête aux pieds.