dimanche, janvier 31, 2010

Les fausses blondes ça m'énerve heureusement j'en connais pas





Acte I

AD Voyons, Monsieur Culot… Culot… Ah voilà, Culot, psychologue clinicien, c'est ici. (il sonne, puis il frappe à la porte) Je n'entends rien; bon ben… entrons!
… ?? Bonjour, je… Vous… Monsieur Culot ? Vous êtes monsieur Culot ?
MC Vous voyez bien que non, je suis le porte-manteaux de l'entrée
AD Porte manteaux? Ah vraiment…
MC Oui, porte manteaux, mais je porte aussi les imperméables, les pélerines mais ça devient rare les pélerines vous savez, les Kways s'il le faut. Je suis utile, j'ai trois patères austères, regardez pour trois manteaux… ou trois imperméables… ou trois…
AD Et les chapeaux, vous portez les chapeaux?
MC Non, je ne porte pas le chapeau, je refuse… (sur le ton de la confidence) après il en reste toujours quelque chose… des poils.
AD C'est aussi ce que je pense…

Mais tel que je vous vois, monsieur, tel que vous êtes dans votre fragile nudité vous n'êtes pas un porte manteaux.
MC Ah non ? Ah non ? C'est la meilleure de l'année!! Et pourquoi ne serai-je pas un porte manteaux, monsieur… monsieur comment au fait ??
AD Amédée, Amédé Dubourdacoté
MC Ah ahahahahahmédée Dubourquapété… ahahahah
AD Oh je vous en prie! DU-BOUR-DA-CO-TE c'est facile non, comme si je venais du bourg d'à côté. D'ailleurs j'en viens.
MC Et pourquoi ne serai-je pas un porte manteaux, monsieur Amédée
AD Parce que vous n'en portez pas. Un porte manteaux porte des manteaux et s'il n'en porte pas, il est… il est un portait manteaux ou bien un portera manteaux, peut-être…
MC (contrarié) Vous êtes dur… vous êtes dur, très dur…
AD … mais juste. C'est la vie!! La vie. La vie, elle m'a appris… ma vie, si vous saviez, si vous saviez ma vie… vous voulez savoir ?
MC Eh quoi, à cause de vous je ne sais plus qui je suis, ni même quoi et vous voulez que je vous écoute ?
AD C'est votre métier après tout
MC Quel métier! Je ne suis plus rien… C'est votre faute.. Oh mais!! S'il vous plait, accrochez donc votre manteau à la patère… non pas celle là, l'autre à droite.
Ahhhhhhh je me retrouve quel bonheur, quelle plénitude quelle… (il prend une profonde inspiration) Alors Amédée, vous permettez que je vous appelle Amédée, je suis un ??? je suis un…??? Un por… un porte…
AD Un porte manteau
MC Merci, ça fait tellement de bien de l'entendre dire, merci, merci beaucoup. Un porte manteaux…
Mais dites moi, mon cher Amédée, dites moi pourquoi vous êtes venu jusqu'ici.
AD Eh bien, je suis venu vous dire.. que je ne vous connais pas.
MC Ah ?
AD Non, je ne vous connais pas et même je ne sais rien de vous
MC Je suis un porte manteaux, vous le savez maintenant
AD Oui, mais je l'ignorais en arrivant. Je ne sais rien des porte manteaux, leur psychologie, leurs amours tout ça, ce qui fait que je ne vous connais pas quand même
MC C'est juste
AD Alors, puisque je ne vous connais pas, que je n'ai jamais entendu parler de vous, j'ai décidé de vous parler de mon problème.
Voilà, j'ai un problème
MC Un gros?
AD Oui, un gros
MC Gros comment ?
AD Comme ça!! A peu près
MC La vache…
AD Voilà, je ne peux plus rentrer chez moi. Je ne peux plus voir mes amis, je ne peux plus voir mes parents… ni ma femme, ni mes enfants mais là c'est moins gênant parce que je n'en ai pas… J'ai pas de femme non plus, ceci explique cela.
MC Oh mon Dieu, et pourquoi ne pouvez vous pas rentrer chez vous?
AD Mon nom!! Si je rentre chez moi, je ne suis plus Amédée Dubourdacoté puisque je suis chez moi. Et si je ne suis pas du bourg d'à côté, je suis quoi alors… Je ne suis plus rien!! Plus rien!! Plus personne!
MC Je comprends
AD Il faut que je vienne ici par exemple pour être du bourg d'à côté, ou là bas à condition que ce ne soit pas le bourg de chez moi, qui est à côté d'ici.
MC C'est logique
AD Seulement mes amis, mes parents… Ils sont tous du bourg d'à côté, enfin de chez moi vous comprenez ?
MC Oui, oui, mais c'est simple venez vous installer ici, ou dans un autre village à côté.
AD Impossible j'ai essayé vous pensez bien; je ne peux pas déménager dans un bourg à côté parce que alors il deviendrait chez moi et je ne serai pas plus Dubourdacoté, je serai d'ici…
MC Vous pourriez quand même retourner voir vos amis et vos parents, et votre femme même si vous n'en avez pas, ça n'empêche pas les sentiments…
AD Ah non, je ne les supporte pas, pourquoi voulez vous en plus que j'aille les visiter. Ils sont bêtes et ma femme me trompe
MC Ah
AD Mais quand même maintenant que je vous ai parlé je vais mieux
MC Mieux peut-être, mais vous n'allez pas bien vous êtes tout pâle
AD Un peu fatigué sans plus. Je vous dois combien?
MC 500 Euros en liquide s'il vous plait
AD Oh alors vous passez de "mon ami" à "cher ami". Voilà, et donc cher ami, je vous salue. Je vous laisse le manteau…
MC (seul) un bien étrange garçon.
… A la limite de la folie sans doute, il n'avait même pas vu que j'étais un porte manteaux…


Acte II : Le retour d'Amédée Dubourdacoté


AD Allô
MC Allô
AD Ah, c'est vous
MC Oui c'est moi, et vous c'est vous ?
AD Oui c'est moi, comment allez vous ?
MC Je ne vais pas, je porte
AD Des manteaux
MC Non des bagages, je suis un porte bagages- je porte toutes sortes de choses vous savez, des bagages, des plumes, des citrons, tous les péchés du monde… Mais une seule chose à la fois, j'aime l'ordre
Qu'est ce qui vous amène ?
AD Rien ne m'amène au sens strict du terme, je suis venu tout seul. Au fait nous pourrions éteindre nos téléphones ? Je vous entends très bien sans ça.
MC Pas d'accord, lorsque vous parlerez vous n'afficherez plus votre numéro et je ne saurai plus à qui j'ai affaire. Tandis que là, votre nom s'affiche, tenez regardez (il lui tend son téléphone) "numéro privé". J'aime savoir à qui je parle
AD C'est que… ma batterie est en danger, nous risquons d'être coupés
MC Coupés, mais c'est horrible, on peut-être coupés… comme ça, d'un coup…
AD Oui, coupés, comme ces corps que j'ai retrouvés tout à l'heure en venant ici, c'était atroce, deux corps coupés en deux schlakkk ! du sang partout… comment peut-on faire des choses pareilles..
MC Seuls des monstres sont capables d'un tel forfait
AD C'étaient deux gosses, ils avaient sans doute un forfait bloqué… et les voilà coupés en pleine conversation, dans la fleur de l'âge… quelle tristesse
MC Alors attention, votre batterie…
AD Bon, j'éteins, à bientôt, cher ami!!
MC A bientôt, à bientôt…
Ils éteignent leurs portables et se regardent
AD Ah, heureux de vous voir, bonjour.. Comment…
MC Bonjour, qui êtes vous, vous êtes monsieur Numéroprivé ?
AD Eh bien, mais je suis Amédée Dubourdacoté, votre nouvel ami, nous parlions au téléphone il y a un instant
MC Au téléphone votre nom s'affichait mais là… qu'est ce qui me prouve que vous êtes bien AD, mon très cher ami… mmmhhh???
AD Ah mais je vous jure que je suis Amédée Dubourdacoté, d'abord j'en suis sûr, et puis j'ai mes papiers
MC Voyons voir… drôles de papiers… C'est du plastique!!!
AD Je ne pensais pas que vous vous en apercevriez… ils n'avaient plus que ça du plastique et puis le plastique c'est très résistant
MC Mais moi je veux des papiers… Vos papiers!!!
AD
MC Pas de papiers et vous voulez que je vous croie sur paroles??
AD Par contre j'ai une facture de téléphone, en papier cette fois
MC Montrez… Ah! Un numéro… oui c'est bien le votre.. Il y a écrit 45 Euros… forfait plus… et 7 Euros DEPASSEMENT DE FORFAIT !!!!!!!!
AD J'ai pas pu m'empêcher. Je ne peux jamais m'en empêcher… forfaits, dépassements, si je vous disais, l'enfer, j'ai même un forfait illimité!!
MC (horrifié) un forfait illimité… ça veut dire que vous pouvez tout faire, tous les forfaits, les meurtres, les viols, les crimes contre l'humanité, sans limites. Mais c'est…
AD Super, oui, jusqu'à présent je n'ai consommé que des forfaits bloqués avec des dépassements j'en conviens. Mais il y a trois jours quand j'ai vu cette offre pour des forfaits illimité!! J'ai résisté, un jour, deux jours et puis j'ai craqué, je l'ai pris.
MC Vous l'avez pris!
AD Je l'ai pris oui, et je suis venu ici de suite
MC De suite..
AD De suite dans les idées, oui. Un forfait illimité, vous pensez, faut que je l'amortisse, je comptais vous assassiner, ou vous démonter... et puis voilà j'ai plus de batterie!
MC Me démonter… mais vous ne pouvez pas!!
AD Eh non, ma batterie… au fait, puisque vous portez des bagages, dans le sac marin là il y a quoi ? Il n'y aurait pas un chargeur de batterie, ce serait un heureux hasard.
MC Un chargeur… euh non il y a des slips et des chaussettes, il y a tenez regardez une chemise de nuit et un sabre, au fond là un sabre
AD Un sabre mais c'est très bien. C'est très utile pour charger, imaginez "Chaaaaaaaaaaaaaaargez!!!!!" vous pouvez pas le dire sans sabre, avec un téléphone vous êtes tout de suite ridicule. Passez moi le sabre et je vais commencer à charger
MC Dites moi, pendant que j'y pense votre forfait illimité, il concerne tous les opérateurs ?
AD Non, seulement les "S" sévères
MC Ouffff, vous savez moi je suis Bouygues
AD Ah bon, vous êtes Bouygues, je croyais que vous étiez Monsieur Culot???
MC Eh non, je suis Bouygues
AD Ah alors excusez moi, je croyais parler à Monsieur Culot. Eh bien au revoir monsieur
MC Au revoir cher monsieur….
(après un instant il soupire) …Eh bien, je l'ai échappé belle

samedi, janvier 30, 2010

Concerto d'Aranjuez, par Chick Corea






"Dans le lit, l'endroit idéal pour rêver et se masturber un peu" Alors il s'allonge et puis… et puis c'est son sexe qui s'allonge, se déploie lentement. A peine est il devenu plus épais et plus solide, et personne pour en profiter sauf lui évidemment, à peine donc qu'une sirène de police rompt le silence de sa chambre. Par où est elle entrée, cette belle sirène? c'est le secret des sirènes, que posées comme ça sur le toit des voitures on les croit indouées de vie, mais qui reprennent leur vie et leurs mille couleurs à la première belle quéquette à branler.
Alors lui il en revient pas évidemment, une sirène… "si je m'écrirais ça, on m'croirait pas" qu'il se dit, "on me direrait que je dis n'importe quoi" et puis, sous l'assaut de la sirène toute en bouche, toute en seins, toute en queue… oui sous l'assaut de la sirène le voici en rut pour le plaisir.




"Accusée levez vous! levez la main droite et dites "je le jure".
L'Heure se lève, elle est nue, pâle, maigre et elle le jure.
"Accusée reconnaissez vous avoir indiqué que vous étiez juste, alors que vous étiez en retard de plusieurs minutes?"
L'accusée baisse la tête en marmonnant que c'est la vie qui n'est pas juste, pendant que l'horloge présidant le tribunal égrène des secondes , puis une poule, un lardon, un bec de lièvre, une tortue, une paire de seins et des tas d'autres choses qu'égrènent les horloges lorsqu'elles sont distraites. Elle insiste "mmmhh… qu'avez vous à dire pour votre défense".
L'heure se lève, marque une minuscule hésitation puis: "Votre horloge honorée, par suite de trop de mariages consanguins notre famille a pris beaucoup de retard. Moi je m'efforce de rattraper l'heure d'aujourd'hui qui va si vite vous le savez et je dois m'occuper de mes parents, mon père dont une aiguille est bloquée sur le 9… et ma mère…"
Le Président "vous avez dit qu'elle était morte il y a deux ans n'ayant pas supporté la passage à l'heure d'été?"
L'heure " oui, mais mon père en a épousé une autre… cette femme, c'est… c'est la seconde" et puis elle raconte ce que fut sa vie, l'indicible souffrance d'être sans cesse en retard, la honte aussi, et la faim quand l'heure du repas n'arrivait pas…
Touché par tant de détresse, l'horloge présidant incline son balancier et dit " When the weather is fine, my tailor is rich and the dragoon is back".
J'y étais et elle a vraiment dit : "dragoon".

jeudi, janvier 28, 2010

Y a t-il des insectes au Gabon ?


Elle est venue à contretemps
se noyer dans les océans
De mon plaisir
A venir

Aimée trop tôt, aimé trop tard
Et nos caresses
Etaient des fruits

mardi, janvier 26, 2010

Le colonel m'a confié un secret







Dimanche matin, il est huit heures et je suis sur la terrasse. Le ciel est voilé, le vent léger venu de la mer n'est pas assez fort pour déranger les nuages. Elvire et les enfants dorment encore, j'en profite pour prendre mon petit-déjeûner seul et tranquille et jouir du calme du matin. L'étang étale son clapotis gris, deux bateaux se traînent dessus. Sur la jetée, un vieux couple main dans la main marche doucement. J'ai acheté quatre croissants, un pour chacun de nous. Tout est calme, on se croirait dimanche dernier.

Je regarde sans illusions le crépi du mur ouest qui se décolle, les solives du toit qu'il faudrait changer et le jardin dont je devrais m'occuper un peu plus. Je me dis "je le ferai la semaine prochaine", avec autant de fermeté que je me le suis dit il y a exactement une semaine, dimanche dernier à cette même place et au même moment. J'entame un deuxième croissant, pas grave Elvire ne les aime pas trop. Dimanche dernier d'ailleurs elle n'avait pas protesté, alors… Je répands quelques miettes sur le sol et la tourterelle ne tarde pas à venir les picorer, toute rousse, toute relle.
Sur l'eau, fanions au vent, le Chassagne sort du port; ce bateau n'a jamais quitté l'étang et son équipage ignore que la mer est toute proche comme il ignore qu'on peut mettre de l'eau dans le pastis.
Sur la jetée, le couple marche toujours main dans la main. C'est curieux on dirait qu'ils n'ont pas avancé. Je me lève et je vais dans la cuisine réchauffer de l'eau sans remettre plus de thé dans la théière, ce sera une "repasse". Je regarde l'heure, j'ai du temps il est juste huit heures.
En revenant sur la terrasse, théière en main, je remarque au sol le carreau qui se décolle et je me dis que … il faudra … la semaine prochaine … La tourterelle pas farouche picore encore ses miettes et le Chassagne sort du port, fanions au vent.
Chance !! ce matin les enfants dorment tard, quel calme. D'habitude ils déboulent, toujours à deux, déjà excités. Ils sont toujours déjà excités, à tel point que leurs absences ne sont que des répits forcément provisoires.

Je regarde l'heure. Huit heures. Tiens ? seulement huit heures ! J'aurais cru plus mais tant mieux, j'aurai droit à encore une demie-heure de calme avant la tempête des enfants, à condition qu'aucun bruit ne les réveille (même sans aucun bruit, hélas, ils se réveillent). J'avais dû préparer le thé trop fort la première fois parce que la repasse a exactement le goût d'un thé nouveau, c'est délicieux. Je finis mon croissant, ramasse les quelques miettes pour la tourterelle mais il y a encore beaucoup de miettes autour d'elle. Elle picore avec énergie, pourtant.
Je lève les yeux vers l'étang, le Chassagne sort du port. Sur la jetée le couple, main dans la main, marche lentement. Ils ont dû faire un demi tour me dis-je parce que je n'ai pas l'impression qu'ils ont avancé.
Le vent, les nuages… je me sens bien, j'ai acheté le journal en même temps que les croissants, je le feuillette rapidement. On dirait qu'il ne s'est rien passé cette semaine, en gros ce sont les mêmes titres, politique Sarkozy; sport, foot et tennis; société, crimes et délits; people, sexe. Je repose le journal, me sers une nouvelle tasse. Je prendrai bien encore un croissant mais les enfants vont râler.
Ah non! Il reste trois croissants; tiens, je croyais en avoir déjà mangé deux ? sans doute que non, encore une fois c'est tant mieux. Je reprends un croissant, là bas le Chassagne sort du port, ici la tourterelle picore, là le couple marche main dans la main. Je regarde l'heure. Il est huit heures.

Je reprends le journal, le repose aussitôt. Qu'ai-je donc fait cette semaine ? bof, comme d'habitude sans doute, le bureau, les enfants, l'atelier d'écriture, il y avait … je ne me rappelle plus qui y est venu mais c'est sans importance. J'ai oublié.
Je regarde le Chassagne qui sort du port, je ne sais pourquoi, je fais un signe de la main et quelqu'un me répond d'un geste large. Sympas ces gars là après tout, me dis-je. D'un geste brusque je chasse la tourterelle qui s'envole.
J'ai presque eu peur et maintenant j'ai envie de rire : un instant j'avais cru que le temps s'était arrêté !! Je respire et me promets que je m'occuperai dès aujourd'hui de refaire proprement le crépi et cette décision me satisfait. Comme j'ai toujours un croissant à la main, je le mords avec plaisir et reprends le journal, je m'enfonce au fond de ma chaise et je dis "merde!!" au moment où je comprends pourquoi le journal a un air de déjà vu. Je l'ai déjà vu, justement, il est daté … de la semaine dernière. Sans doute le vendeur s'est il trompé.
Je replie le journal et le repose. Après tout, me dis-je…
En levant les yeux je vois le Chassagne qui sort du port et sur la jetée le couple main dans la main qui marche lentement. A côté de moi la tourterelle picore ses miettes.
Sur la table il y a trois croissants. Je regarde l'heure.

Il est huit heures.

Caractéristiques du lien

Pour la visite du Président de la République, il y avait du monde



Beaucoup de monde !



Un homme assis, pieds nus posés sur le barreau de sa chaise.
Une femme très droite, jeune et souriante, avec un foulard vert sur la tête.
Une autre femme en robe jaune, plus petite, trois gouttes de sueur parce qu'elle a couru pour arriver avant la pluie.
Aux autres tables du petit restaurant, personne à part moi qui les regarde.

Ils se lèvent et partent. Arrive une très jeune femme aux cheveux tressés, tee-shirt largement décolleté sur deux seins appétissants. Aux autres tables du petit restaurant, personne à part moi qui les regarde.


26 Janvier 2010, on devrait déjà vivre dans le futur, mais on est encore aujourd'hui.

dimanche, janvier 24, 2010

SATIA





Il y a longtemps vivait au Vietnam un méchant roi vêtu* d'une armée nombreuse et cruelle avec des étendards rouges. Il tuait ceux qui s'opposaient à lui, écrasait d'impôts son peuple et faisait la guerre à tous ses voisins partout et tout le temps. A cette époque Jean Claude Van Damme n'existait pas encore et il n'y avait donc rien à faire contre ce méchant roi.
Toutefois dans les montagnes du Nord vivait une petite tribu encore libre. Les hommes étaient tous d'un grand courage et leur territoire était froid et escarpé, mais malgré cela le méchant Roi décida de les envahir, de prendre leurs femmes, de détruire leurs champs de fraises et de leur faire payer l'impôt comme il l'avait fait pour tous les autres peuples. Il ne savait pas le Roi que dans cette tribu, il y avait un guerrier formidable, puissant, rapide et fort qui combattait les tigres et les ours, lançait son javelot à plus de deux cents mètres et nul qui s'opposait à lui ne pouvait survivre. Il avait quand même un défaut, il était timide et doux. Il fallait le pousser pour qu'il combatte, et il ne se battait que lorsqu'il était obligé. Son nom était Lê Kriki TuH.
Le méchant Roi vêtu de son armée nombreuse et cruelle envahissa* les montagnes de la tribu encore libre et les hommes de la tribu décidèrent de se battre. Un matin ils se retrouvèrent face à l'armée cruelle avec ses étendards rouges, il poussèrent en avant leur formidable guerrier et grâce à lui remportèrent une éclatante victoire, tuant le méchant Roi devenu nu.
C'est depuis ce temps que tout le monde sait que pour remporter un combat il faut pousser Lê Kriki TuH.

* pourquoi pas ?



Les horizons confondus et
la course lente des eaux
même le vent a baissé les bras.

Enroulé sur le tiède
un parfum
comme si elle était là



Terre grasse
Et reflets d'eau
La pluie vorace



Un regard
Un bond
Un maki



"The wall on which the prophets wrote
Is cracking at the seeds…"
Qui se souvient du groupe King Crimson? Aujourd'hui encore, malgré les années je ne l'écoute jamais sans frissons, je ne peux l'évoquer sans que mon cœur batte l'épitaphe et que mon esprit s'égare dans la cour du Roi Pourpre.
A eux je n'associe aucune image, quelques couleurs peut-être, rouges. Mais un son, une musique qui ne m'importe pas puisqu'elle n'est pas d'ici et qu'elle me rappelle que moi non plus, je ne suis pas d'ici.


Qui a des nouvelles de Satia ?

vendredi, janvier 22, 2010

Un tire bouchon droit


Salut Raski!!


Il y a peu de distance entre le bonheur et le malheur, juste moi. Je ne sais pas si c'est une pensée rassurante.


Epictète a dit qu'il faut vouloir ce qui arrive et que c'est le moyen d'être heureux.
J'ai reçu hier un mail spam au titre faussement familier alors je l'ai ouvert. Une femme propose des stages sur "la puissance de la pensée", genre si tu veux vraiment quelque chose ça arrivera. Il suffit de bien vouloir, de s'entraîner et de purifier son coeur et ça arrivera (elle devrait proposer ses stages en Haïti, mais il est vrai qu'ils sont pauvres...). Le tout est enrobé d'un salmigondi new age qui commence à passer de mode et à faire ringard.
Elle a mis la phrase d'Epictète en exergue de son propos. Epictète, c'est du sérieux se dit le gogo, il y a la caution de l'intelligence, du temps passé, de l'expérience. Et il est probable que la dame, qui n'a jamais rien lu d'autre d'Epictète, croit aussi qu'il parlait de la puissance de la pensée.

Pour ce que j'en sais, il était un de ces philosophes d'abord maîtres spirituels comme peuvent l'être certains maîtres bouddhistes d'aujourd'hui. La philosophie s'incarnait avant de se dire, et avant de s'enseigner bien sûr.
Vouloir ce qui arrive est semblable au "un sans second" des bouddhistes, il n'y a pas d'autre monde que celui-ci; je pense aussi au conseil de Senseï lorsque nous sommes frustrés "de quoi êtes vous frustré ? du monde tel qu'il est, ou du désir que vous aviez et qui ne s'est pas réalisé". Il s'agit d'accepter pleinement ce monde-ci, première condition de l'éveil peut-être, afin de commencer à vivre dans le monde et non dans nos rêves. Alors seulement pouvons nous être heureux.
Voilà ce que disait Epictète.
Madame new age... quelqu'un peut la prévenir ?




jeudi, janvier 21, 2010

Un taille crayons chinois





Cinq petites filles. Devant, deux grandes sautillantes, âgées d'environ six ans. Derrière, trottinant pour ne pas se faire larguer, une toute petite de trois ans en robe jaune sale que suivent deux autres jupettes de quatre ou cinq ans. Tout le monde est pieds nus sauf une en tongs.
Elles marchent le long de la route écrasée de soleil humide, à Kaweni. Les deux grandes portent leur main droite à leur tempe, comme un salut militaire et massacrent une marseillaise joyeuse. Les trois autres les imitent, la plus petite saluant de la main gauche, toujours petite, toujours courant et faisant "lala lala"
Puis les filles crient, sautent, se retournent, rient, sautent et crient. Sauf la plus petite, qui court, main gauche à la tempe, et elle court, elle court…

Dimanche, un groupe de femmes sur le bord de la route, en saluvas bleus électriques, chantent et dansent pendant que je vais acheter des fruits au petit marché.
Le soir, dans le banga à côté, les tambours commencent à battre. Pour guérir un enfant malade on appelle les esprits. Chants et youyous, danses, (je ne suis pas invité "c'est privé" mais on me prévient "n'ayez pas peur, ce n'est pas méchant").
Lundi visite de Sarko avec tout son cirque, et pour l'accueillir chants et danses, saluvas multicolores, youyous.

Lorsque j'étais en métropole pour même pas trois semaines à Noël, voilà ce qui me manquait dans la rue, le bruit, les couleurs, les danses, les groupes rigolards de femmes. Le mélange dans ces mêmes groupes de jeunes et de vieilles et le lien que l'on devine encore entre elles.
C'est comme ça, ici.

vendredi, janvier 15, 2010

Amants Phalloïdes




Science fiction. Je dérive dans une capsule depuis mille ans, au gré de l'espace où le silence est absolu. Mais je parle aux étoiles qui me répondent en scintillant. C'est leur langage. L'émerveillement vient de ce qu'elles ont émis leurs lumières depuis un milliard d'années, comment font-elles alors pour converser entre elles et avec moi ?

Histoire. Je suis un homme des cavernes et les nuits venues, je veille pour protéger ma tribu. J'appartiens au clan des veilleurs. On les reconnaît aisément, ceux qui vivent la nuit et adorent les étoiles. On raconte qu'ils leur parlent et que celles-ci répondent, on les craint et on ne les envie pas. On dit aussi qu'ils entendent marcher un léopard à plus de cent pas à condition du silence.

Roman photo. Je suis un chirurgien mondialement célèbre, jeune, beau et riche. Emanuella est ma fiancée, elle est la fille d'un banquier. Elle est jeune, belle, riche et vierge. Nous nous marions dans trois mois. Mais Samantha qui travaille dans mon service, éperdument amoureuse de moi, prépare un plan diabolique pour empêcher ce mariage. Profitant d'un instant de fatigue après une opération délicate que moi seul pouvais réussir, elle me fait croire que Emanuella me trompe avec le fils du chauffeur de son père et pour alléger mon désespoir elle me viole et me suce comme une dingue. Puis elle va raconter ça à Emanuella preuve à l'appui (je vous laisse deviner la preuve qu'elle ramène).
Alors Emmanuella décide de faire de même, elle me viole et me suce comme une dingue et nous décidons de faire un ménage à trois avec Samantha. A ce moment là, les lecteurs du roman photo se disent qu'ils ont loupé quelque chose dans leur vie…

Roman policier. Je suis né dans le Bronx, pas le Bronx de New York mais le Bronx de Blainville, à côté de Chalon sur Saône. Mon père est un soldat inconnu, ma mère est aux Assedic. A vingt et un ans, je termine ma quatrième année de prison et je sors demain. J'ai décidé de mon destin, les scientifiques recherchent des volontaires pour un voyage dans l'espace. Seul dans une capsule pendant mille ans, et un jour.

mardi, janvier 12, 2010

Est-ce bien ma valise là bas ?

Vue depuis la fenêtre de la pièce où je fais zazen



Comment on se sent lorsque on descend de l'avion tout seul et que "là bas" il y a les autres ?
Je croyais qu'il y avait tous les autres là bas, et ceux qui avec moi attendaient leurs bagages faisaient partie du décor.
Je suis arrivé la nuit, le lagon était éteint sous les nuages trop nombreux. Personne ne m'attendait, j'ai horreur des "bonjour" et des "au revoir". Mais cette fois, j'aurais bien aimé.
Qu'il y ait quelqu'un.

Et puis la vie... une chemise à repasser, la valise à vider, les livres pas encore lus, les citrons dans le frigo ont tenu le coup. C'est ça la vie, mille fois rien. Une fois rien ça doit ressembler à la mort, mais mille fois, c'est la vie, changer le néon fatigué, faire tourner une lessive, ce soir des nouilles il n'y a rien d'autre hormis les citrons.
M'excuser auprès de maman pour ma colère le dernier jour ?
Vérifier que j'ai mon chargeur de téléphone, mettre le linge à sécher, écouter le CD de Loic Lantoine ou celui de Diego de la Cigala, ou les deux. J'ai le temps demain sera dimanche.
Alors cette nuit je me fais cadeau de la nuit, ni samedi ni dimanche. Rien que pour moi à faire mille fois rien. A vivre.