jeudi, avril 30, 2009
Tarte opium
Je vous invite à rentrer à la maison avec moi, un soir après le travail. Ou dans la journée, moquons nous du temps, mélangeons le sans vergogne parce qu'il y a des lieux que je ne me représente que la nuit, d'autres le jour…
Le long du chemin nous verrions
la houle ballotant les eaux du lagon,
un groupe de femmes aux saluvas multicolores, attendant un taxi,
un scooter jaune paille, piloté par un noir torse nu sur la rocade de M'Tsapéré,
sur le bas coté de la route, quelque part vers Ongoujou, un zébu couché, noir avec une tache blanche entre les cornes,
l'odeur de l'Ylang juste après Ongoujou,
une famille de hérissons se hâtant vers l'autre côté du chemin,
lumières dans la nuit à Hapandzo, la Duka est ouverte très tard,
quelques étals où on vend des fruits, du lait de zébu et du vin de palmes, mais on ne dit pas que c'est du vin, on dit "c'est pour digérer quand on a mal au ventre".
Les sandales et les chaussures sur la route, devant la mosquée blanche,
des éclats de couleurs, femmes lavant leur linge dans la rivière juste avant d'arriver chez moi, les enfants qui jouent, le linge étendu dans l'herbe, la joie souvent
l'allée cahoteuse, le bananier plié qui fait comme un porche, la lumière de la terrasse, le chat paressant sur le canapé.
Nous sommes arrivés. Bienvenue !
mercredi, avril 29, 2009
Pièce jointe, oubli, motocyclette
Une information, et une question.
L'information : les makis sont des ivrognes.
La question : aucune question n'est stupide (ceci est une précaution oratoire). Est ce que ce qui n'existe pas fait partie du réel ?
Je m'explique, lorsque je participais au Journal Intime Collectif de Marseille, l'un des critères d'acceptation des textes était de décrire un fait réel, advenu dans un espace public. L'autre critère était le plus passionnant, pas de 'je' dans l'écriture.
Nous critiquions les textes écrits par les uns et les autres sous cet angle exclusivement et lorsqu'ils étaient jugés conformes aux critères, ils étaient versés dans le grand livre du Journal Intime de la Ville. Nous disions que le texte avait été "jiqué", reconnu conforme par l'ensemble des présents à la soirée.
Un jour quelqu'un écrivit "il n'y avait pas de lumières..." et nous nous sommes interrogés sur ce "pas de". certes, cela était la réalité, il n'y avait pas de lumières. Mais dans la mesure où nous devions décrire le réel, pouvons nous écrire ce qu'il n'y avait pas ? il n'y avait pas de lumières, pas plus qu'il n'y avait d'extraterrestres ou d'hippopotames. Le contexte faisait que "pas de lumières" était une information pertinente, "pas d'hippopotame" ne l'était pas.
Notre choix fut de supprimer ce "pas de", il fallait décrire l'ombre, la nuit, le flou des objets et des personnes, le gris et non l'absence de couleurs (pas de "pas de couleurs") mais la question m'est restée sous cette forme : l'ensemble de ce qui n'est pas dessine en creux ce qui est. Je peux voir un objet par sa forme spécifique (forme, matière, couleur) autant que par le vide autour de lui.
Curieusement je retrouve zazen dans cette pensée liée à l'image de la forêt. Vue de loin, d'avion par exemple, une forêt parait dense et impénétrable. Si l'on s'en approche en voiture, vite, c'est pareil. Mais en réalité, si l'on observe soigneusement la forêt, l'espace et l'air sont partout, entre les branches et les feuilles, entre les troncs. Le "vide" de l'un dessine le "plein" de l'autre, ils sont indissociables.
Il en est de même pour les pensées observées pendant zazen, pour autant que les pensées évoquent le "plein" ou le "ce qui est" et le vide l'espace et l'air, ou "ce qui n'est pas".
Il ne faut rien chercher dans cette image d'autre qu'une sensation, pas une explication...
D'ailleurs pendant zazen je n'observe rien, je respire seulement.
mardi, avril 28, 2009
Carnaval dansé
Etre Lent,
Le lent ne se préoccupe pas du temps, il l'ignore. Ni mépris, ni agacement
On dit de lui qu'il "prend son temps" quoique le lent n'aime pas trop prendre – à part le temps, justement. Mais il en perd autant qu'il en prend
Le lent goûte chaque sensation avant de décider, parfois, de la cataloguer
La lenteur a à voir avec l'oubli. En effet lorsqu'on prend le temps de goûter les choses ou les sensations, elles se révèlent si fortes et si pleines que l'on oublie tout
Le lent a, durant toute son enfance, énervé sa maman sauf si celle-ci est lente aussi, cas idéal
Le lent n'est pas toujours en retard, au contraire il est même parfois en avance afin de goûter au plaisir de l'attente
Le lent s'attend au tournant des événements quand la plupart des individus s'y perdent
Le lent attend l'avenir avec sérénité puisqu'il jouit de l'éternel présent
Le trop rapide risque de se blesser à heurter les obstacles, alors que le lent les approche, les tâte, les observe et découvre qu'il n'y a pas d'obstacle
La majesté des rois a à voir avec la lenteur
Citation, je ne sais de qui "avant tout le monde avait du temps et personne n'avait de montre. Aujourd'hui tout le monde a une montre et personne n'a le temps". Je ne suis pas sûr que ce soit vrai, mais j'aime bien
Etre lent ne permet pas de briller en société, on trouve généralement les lents ternes. Leur richesse est ailleurs et leur lumière douce et durable
Le lent est du côté des fragiles
Je suis lent.
lundi, avril 27, 2009
A claques...
J'ai mal à la tête une fois tous les deux ans. C'est aujourd'hui, c'est maintenant.
Je respire lentement et consciemment, je relâche les épaules, je bouge lentement.
Ca ne change rien.
Alors j'attends.
vendredi, avril 24, 2009
CaTeur
vous pourriez être heureux en attendant
vous pourriez il suffit de rire de n'attendre rien le désespoir est la voie juste entre deux immondes funambules de vos vies mais seuls les bruits du marché l'écoutaient il parlait encore lorsque je suis parti
jeudi, avril 23, 2009
Mon bas de laine
Ce n'est pas chaque matin, mais souvent, je chante ce sutra après zazen, parfois en japonais il s'appelle Hannya Shingyo, parfois en français (Sutra du Cœur de la Profonde Sagesse)
Une phrase dit :
"Pas de vieillesse, pas de mort "
Vieillesse? A vingt ans j'avais décidé de me suicider à soixante. J'en ai cinquante cinq aujourd'hui et j'ai changé d'avis. Je ne voyais de la vieillesse que des soustractions, je ne voyais pas les additions et moins encore le vaste tout qui échappe aux opérations.
Le Bouddhisme, comme d'autres religions, comme toutes peut-être, a à voir avec la mort et lui enlève – essaye de lui enlever - son poids de peur. Certains réduisent les religions à cela, un truc, au sens de "y'a un truc", qui promet à l'adepte une mort sans peur, voire pas de mort du tout "pas de vieillesse et pas de mort", la vie éternelle ou le paradis d'Allah… Il suffit de tout bien faire pour que la promesse devienne réalité. Et c'est bien connu, les promesses n'engagent que ceux qui les croient !
Alors va pour "pas de vieillesse et pas de mort", je signe.
Le sutra continue ainsi : "…et pas de fin à la vieillesse et à la mort" j'aime moins ça. Bien sûr, s'il n'y pas de vieillesse, il n'y a pas de fin à ce qui n'existe pas. Explication raisonnable. Mais elle n'atténue en rien le malaise que j'éprouve à ce passage. Je ressens que par un de ces paradoxes que le zen adore, est retiré d'une main ce que l'autre avait… peut-être… promis.
Je comprends que ce qui est dit là est un état de vieillesse et de mort sans fin. Je me retrouve le nez dans la boue, face à ma peur.
Voilà, ce texte est sans suite puisque j'en suis là, face à elle, la peur. Chaque matin ou presque, je répète qu'il n'y a "pas de fin à la vieillesse et à la mort", chaque matin ou presque éprouvant ce même malaise et ce même apaisement de continuer le chant dans le silence joyeux du zazen. Chaque matin, vivant.
mercredi, avril 22, 2009
Le sable en fleur
Deux fois deux, quatre
Deux fois trois, six
Deux fois quatre, huit
Et mille fois rien, ma vie
Ma vie est faite chaque jour de milliers de gestes, de pensées, de sensations et de perceptions que je résume à "rien".
"Tu fais quoi là ?"
"Rien de spécial…"
Il suffit pourtant, cela arrive, que je prête un peu d'attention à ce rien et il devient tout.
Me lever le matin, un éclat de lumière sur le lagon, garer la voiture à l'ombre du grand badamier. Rien. Un thé à la terrasse du M'Biwi, une orange qui a roulé au pied de l'arbre, la fraîcheur d'un léger vent. Rien. Le bonjour des collègues, le téléphone qui sonne, l'instant de calme que je m'accorde. Rien, rien, rien.
Et pourtant…
Je ne résiste pas au bonheur de vous faire partager ce texte de Jaccotet qui illustre si bien ce "et pourtant..."
"... Je marche à la rencontre d’un matin d’été, avant que la chaleur ne devienne lourde et la lumière aveuglante, et je le vois scintiller dans les verdures, comme si le vent du nord était un fleuve rendu visible par ces milliers de feuilles fraîches, courant toujours dans le même sens, vers la mer ; et le regard, ensuite (ou du même coup), découvre les douces montagnes basses couleur d’eau elles aussi, moins pareilles à ce qu’elles sont qu’à des limites, qu’à un terme presque irréel, qu’à une idée de repos ou d’asile…et voilà justement, ce que je n’ai jamais réussi à dire encore, ces matinées brillantes, fraîches et vives dans le berceau des montagnes, ces jardins bruissants au pied des rochers, cet air animé comme de l’eau, où l’on entre comme dans le poudroiement d’une fontaine, d’une cascade, ce moment qui dure peu, au commencement d’un grand jour d’été. Et si l’on parvenait à le dire (mais ici je suis bien loin du compte !), n’y aurait-il pas quelqu’un pour en éprouver un peu de contentement, et qui se retrouverait grâce à quelques paroles fraîches en état de désir, rien que pour avoir découvert confusément ce don léger du jour ?..."
Et coucou à Nathalie http://neyrat-nath.blogspot.com/qui elle aussi a parlé de ce rien quotidien.
mardi, avril 21, 2009
Poste restante
Zazen se poursuit, le matin et le soir parfois. Le soir, il y a des moustiques, j'ai essayé divers stratagèmes pour les éloigner, mais force est de constater qu'ils ne s'éloignent pas et que des envies de meurtre me hantent (meurtres de moustiques).
Zazen se poursuit, c'est la bonne formule parce que je n'y suis pour rien. Le matin je m'asseois, c'est tout. La journée, je reste fidèle aux préceptes, souvent, ou parfois et parfois souvent.
Pourtant, il arrive que non, il arrive que non délibérément. Ces fois là où la passion m'emporte, "je" m'efface, c'est ce que j'éprouve. Il ne s'agit absolument pas de culpabilité ou je ne sais quoi de ce genre là, mais "je" m'efface. Constat.
Zazen me poursuit, zazen me rattrape, zazen m'attrape. Parfois me tord le cou ou les bras les jours de paresse ... Mais j'ai toujours connu cet instant où, à peine suis je assis sur mon coussin, mon corps parle (et non "je me dis") "j'ai raison d'être là" c'est une certitude physique, au delà des mots. Je suis heureux.
Je balaye la pièce dans laquelle je pratique zazen, une grande chambre avec mon coussin et la statue de Bouddha achetée il y a... en 95 ou 96 à Aix en Provence. Elle est en plâtre, a vécu 7 ans au Dojo de Aix et 5 ans au Dojo de Marseille. Un peu ébréchée elle est.
Ce n'est pas une idole, c'est une statue en plâtre. Où je vais, elle est.
Dans la pièce manque l'odeur de l'encens, je n'en ai plus depuis longtemps et n'ai pas envie des encens indiens qu'on trouve partout, aux odeurs trop fortes.
Et puis le silence...
lundi, avril 20, 2009
Un tour en VélO
Chaque village est pourvu de plusieurs petites, toute petites épiceries, qu'on appelle "Douka". On y vend de tout mais il est plus juste de dire qu'on y vend de rien.
J'aimerais y inviter quelques uns de nos distingués économistes, eux qui prévoient tout bien pour hier et jamais rien pour demain. Ils étudieraient les lois (universelles parce que j'inviterai de "grands" économistes) les lois de la concurrence. Parce que toutes vendent la même chose (je rappelle : rien), au même prix et au même moment.
Hier dimanche, je manquais d'allumettes et je me suis rendu dans une de ces doukas.
Mais...
il y avait une cliente grosse, aussi grosse que la douka était petite. Elle prenait toute la place et je dus attendre à l'extérieur. Et elle parlait, elle parlait, elle parlait... plus elle parlait, plus j'attendais parce que je voulais comprendre comment elle avait fait pour ENTRER dans la douka, à vue d'oeil elle faisait en largeur plus du double de la porte, de face comme de profil. J'attendis donc qu'elle sorte pour comprendre comment un tel miracle avait pu se produire.
Au bout d'un temps que j'ai estimé à quinze minutes au moins, j'ai senti au rythme des paroles que nous arrivions sur la fin, elle devait fatiguer sans doute. Encore trois minutes pour passer le cap dangereux où la conversation peut renaître et rebondir puis je reconnus les salutations d'usage : cette fois c'était la fin, je fixai mon attention sur l'événement.
J'ai dit "miracle" tout à l'heure, c'est exactement ce qui est arrivé. Vous avez certainement observé des chats qui se glissent dans des endroits invraisemblables : eh bien pareil. Elle est passée de profil, juste une sorte d'hésitation et un léger frottement de la poitrine sur des balais exposés là. Un instant de grâce avant qu'elle retrouve son ample forme d'origine.
Je suis entré dans la douka. Il n'y avait plus d'allumettes.
vendredi, avril 17, 2009
Inquiétant
jeudi, avril 16, 2009
Chose Vue
C'était sur la plage, avec la lumière brutale d'un soleil tardif.
Un groupe d'enfants jouait au foot avec un ballon dégonflé en plastique rouge. Un peu plus loin une petite fille en robe violette portait une bassine sur la tête et marchait vite.
La lumière rendait tout magique et tragique. Je me suis senti incapable de capter ce moment précis, pourtant je me sentais vivant, intense et triste.
Alors j'ai photographié le poisson, les herbes et la fleur, tels que je les ai trouvés.
mercredi, avril 15, 2009
chose(s) vue(s)
mardi, avril 14, 2009
Un touriste consciencieux
un autre soleil couchant
J'ai beaucoup plongé, les épaves m'ont impressionné par leur aspect de fantômes. Un grand deux mâts pratiquement intact qui a coulé tout droit. Un bateau de guerre avec ses ponts, ses échelles, un canon. Des hommes ont vécu là, ont travaillé, rêvé. D'autres peut-être y sont morts, ou bien ont pleuré en lisant une lettre. Je n'imaginais que des drames !
La nuit, j'allais au devant de moments plus flous.
le "sunrise"
Et lorsqu'enfin j'allais dormir les rêves qui m'habitaient étaient d'ambre ou de jade.
vendredi, avril 03, 2009
ChosE VuE
Le soleil levant découpait l'espace en trois parties : les eaux éclatantes du lagon, le ciel presque bleu avec encore quelques traces de la nuit et en ombres chinoises l'îlot Bouzil et l'île de Petite Terre.
Le lagon parfaitement lisse, parfaitement calme, amplifiait la lumière du soleil.
A terre, les feuilles vernissées des palétuviers, taches d'ombre et de lumières.
Trois femmes au bord de la route en saluvas éclatants, jaune, rouge et vert et dans le ciel deux oiseaux.
Tout était lumière.
jeudi, avril 02, 2009
Chose VUe
mercredi, avril 01, 2009
ChOsE vUe
Une femme est debout, attendant de traverser. Un gamin, il a environ trois ans et porte un t-shirt rouge vif, l'accompagne. Soudain, quelque chose dans le ciel attire son attention alors il lève le nez et regarde.
Sa mère entame sa traversée, mais lui regarde le ciel uniformément bleu.