mardi, avril 24, 2007

Droit de citer







Rome, rencontre de l'ancien et du plus ancien

















des anges, des curés, des touristes ...









De retour à la maison, une journée de petits riens.

"Riens" est le pluriel de "chose" ou bien la somme des actes qui me fabriquent.
Parfois j'aimerais dépasser ce "s" qui mène de "riens" à "Rien", l'unité dernière.
Impossible, alors j'attends le miracle du retour des jours, essayant d'en prendre soin quand ils arrivent. Lorsque j'échoue ce n'est pas grave, je recommence.

Il existe l'expression "tranche de vie". On découpe une vie en tranches et il en tombe forcément des miettes, ou bien un peu de gras accroche le couteau. On les appelle "habitudes" et il et elles deviennent l'inconnu, naviguent vers l'inconscient et s'y logent. Invisibles à jamais, poubellisés en vrac.

Les bâtiments que l'homme construit se font à partir de figures géométriques, surtout des droites, bien calées. Les arbres, les nuages, les fleurs, les rochers ont des formes plus floues, indiscernables. Pareil pour les mots et la réalité, en définitive c'est le flou qui a raison.
Lorsque je raconte une histoire, même une "tranche de ma vie" j'y mets du linéaire, parfois du circulaire. Mais jamais du vrai, je ne peux pas.

Le seul mot qui colle au monde, c'est "Rien".




lundi, avril 23, 2007

le chemin

dans la maison de grand père



Tant de riens que me voilà mains vides.

La belle aube // Le vieux prunier dans le jardin est toujours là, il a encore tordu son tronc pour accueillir son dernier printemps
Une petite fille en chemin d'école tire la main de son père.
Une ombre de soleil se dessine dans le ciel; entre les angles des toits et le dur de la pierre, la forme molle d'un nuage.

Attendre.
Belle aube vers fol espoir. J'auto immobile entre Canebière et tunnel
Poubelles débordantes un jeune homme pisse contre une vitrine de magasin. Fumées gaz pots d'é//cha//ppement
Echappement
Echappe attendre l'échappée // échappement
Mais l'aube est toujours belle.

Puis, soleil haut. Les arbres se dessinent en gratte ciel, mon regard heurte des murs carrés. Encore une fois, une mauvaise fois. Le son assourdissant des voix. Rebondissent, bondissent // les voix sourdissent les voix sur les angles cloisons
carrés plats carrés
cassées voix qui // attendent l'échappement
L'échappement // elles l'attendent
Au loin sous les arbres paravents un couple main dans la main va lentement. Lui est grand elle est / là comme son ombre. Je me dis qu'elle hésite.

Maintenant tout est gris, le ciel envahi, la belle aube a trahi. Fumées tunnel Canebière. Sur la route, regards en évitation sans ailes.
Pas de marcheurs, l'autoroute éventre la ville et les couleurs métalliques d'ici ont chassé toute chair. Nous sommes conducteurs à la machine attachés, il n'y a pas de regards et les rues s'égarent vers un autre ici.
Hommes et femmes voitures. Je les regarde, ils ne me regardent pas.

C'est rien, tant de riens. Les mains vides vers un fol espoir.

lundi, avril 16, 2007

ROME

les copains sur la plage



J'ai visité Rome, il y a longtemps. Lorsque j'évoque cette ville me reviennent les mots de Freud qui la disait comme une image de la psychanalyse. Partout surgissent des traces du passé, mélangées et sans ordre apparent, ici des ruines antiques, là des palais de la renaissance ou bien la raideur prétentieuse du fascisme. La chronologie s'écrase dans un raccourci stupéfiant.
Les constructions formidables des Antiques ont parfois servi, pierre par pierre à construire d'autres bâtiments. Il en fut ainsi du Colisée, mais les bâtiments plus récents ont disparu depuis, alors que le Colisée, lui, reste toujours impressionnant.

En réalité la topographie de la ville antique a plus ou moins conduit à celle d'aujourd'hui, pour des raisons logiques : géographie des lieux, tracé des voies et emplacement des ponts, bâtiments publics encore fonctionnels au fil des temps, matériaux disponibles à proximité, habitudes, tout un tas de raisons avec lesquelles Histoire et hasard ont joué, composé.
(Nota : "Histoire", quand il s'agit de la grande, s'écrit avec une Hache majuscule et "hasard" s'écrit toujours avec une petite tache, en minuscule)

Splendeurs architecturales, musées invraisemblables, ruelles intimes où flottent les souvenirs et l'extrême raffinement. Et au présent le regard des garçons sur les filles tellement belles, la valse des scooters autour des places, les entre regards, entre mots, entre gens qui s'échangent, qui s'égarent, s'envolent et qu'on oublie.

Je me rappelle un glacier dans une rue sombre, la piazza Navona, une église construite par Pietro Di Cortone, petite, sombre, un peu défraîchie et vide, mais illuminée par une icône je crois du 12èm ou 13èm siècle, un autoportrait du Caravage en faune ou en satyre qui m'avait stupéfait ! des dessins de Raphael en grisé sur des murs, une brune spectaculaire dans un restaurant, assise en face de moi, qui riait à n'en plus pouvoir et à chaque fois j'espérais que ses seins transpercent son chemisier.

Cette semaine, j'y retourne et j'irai voir si elle y est toujours puisqu'il paraît que là bas, le Temps ne passe pas.



Les copains de la plage





mardi, avril 10, 2007

Flexion des avant bras.

jeunes filles à la mode en pays sakalava.
Comme partout, les ados se rassemblent et passent des heures à parler, parler, parler ...



Sarko, il y a un journal qui promet de nous dire " tout sur les dessous de sa campagne", choc ! j'avais lu trop vite "tout sur les dessous de sa compagne". J'avais trouvé ça exagéré mais pas impossible.
Finalement c'est moi qui vais mal.

47% des sondés ne savent pas encore avec certitude pour qui ils vont voter. J'attends le sondage qui me dira quel est le degré d'incertitude chez ceux là; parce qu'il y a ceux qui ne savent vraiment pas du tout (100% incertains), ceux qui ont un penchant (ils ne savent pas à 77% mais ont une vague idée ), ils ont une intuition (81% incertain), des habitudes de vote (68% d'incertitude), ceux qui ne savent pas lire les bulletins et attendent de voir, les indécis à tous propos (50-50 et ils ne sont même pas sûrs d'être indécis), ceux qui … bref le sondage ne m'informe pas TOTALEMENT, comment donc pourrai-je me déterminer ?

D'autant que ma boulangère ne m'a pas donné ses intentions de vote. Mais elle est tellement jolie ! (extension du domaine de consommation du
pain)

"La France Présidente" avec le visage, non pas le visage de Marianne ! mais celui de Ségolène. Etrange affiche dont on ne sait plus très bien ce qu'elle désigne, l'emmêlement des concepts y est trop habile. Qui est Présidente (La France ? Ségolène ?) quel est ce visage (Ségolène ? Marianne ?). Au lieu que les deux images-concepts se superposent, c'est l'inverse que j'ai ressenti, une impression de flou et d'imprécision, un léger malaise.

Manakara

vendredi, avril 06, 2007

double "Z" comme dans piZZa


quelque part vers Morondava, côte ouest



Beaucoup d' histoires. Je lis au fil des blogs, des (non-) histoires, des romances et des catalogues, des morceaux de folie, des bouts d'eux.
Eux, les autres qui ne sont pas moi.

Fragments ou plutôt éclats, syllabes de nombril à nombril, des devinettes, rien que des bouts.
Faux parce que mis en scène, vrais à cause de cela même.
Les bloggers, ils écrivent, ils photographient, ils poétisent. Pour se toucher, je veux dire sentir leurs bords (il n'y en a pas), leurs limites (il n'y en a pas). Alors il recommencent jour après jour.
Moi aussi.
Me toucher, me sentir, me reconnaître, moi-même et les autres dans un seul mouvement.
Le regard des autres est fondateur, le mien propre, un inconnu qui habite la même peau, le même squelette, qui a le même sang mais c'est un usurpateur.

Le monde est parfaitement lisse. Avec une fissure, une seule : moi, à travers laquelle je devine la couche socle, l'origine qui n'existe pas. A deux mains sur le clavier, écarter, élargir pour m'y glisser et rencontrer tous les ancêtres.

cours, cours camarade... pendant que le vieux monde a pris du ventre

mardi, avril 03, 2007

le jardin de grand père

Cela faisait longtemps que je n'étais pas revenu, quarante ans. Pourtant il me semble n'être jamais parti, tout est resté en place, sauf que
Dans le jardin de grand père
Le néflier a disparu
Sans traces

Dans la maison je retrouve les odeurs de cire et de bougies, l'harmonium du dimanche, la table du salon et le bureau au sous main de cuir. Il n'y a plus d'encrier, plus de papiers mais
Le tiroir grince
Le vieux meuble a gardé
La trace de l'ancien

Presque vide, sans doute que c'est ailleurs que les choses se font et se refont, pourtant la lumière est si douce ici ! c'est peut-être que l'ombre du vieillard est encore présente, ses rires et ses colères de lumières.
Quelques vieilles photos
Au fond du tiroir
Racontent son histoire

Il y a toujours dans la cour la tonnelle sous laquelle, les après-midi d'été grand père et moi jouions aux dames. Elle est devenue bancale et déglinguée. Lui trichait autant qu'il pouvait, par exemple en laissant tomber un pion que je ramassais; lorsque je me relevais, mystérieusement la situation avait un peu changé en sa faveur et si ce n'était pas assez un second pion tombait. Il en riait de plaisir et je n'ai jamais su s'il savait que je savais, je ne lui ai jamais demandé.
Il me semble que c'est cela qu'on appelle "complicité", un peu d'incertain et beaucoup de bonheur.
Une longue histoire
Que le vieil homme souriant
Raconte en silence

Puis nous sommes repartis en France. J'imagine que la vie a continué semblable et différente, différente. J'imagine
Les fleurs blanches
Les matins de printemps
Même sans l'enfant

Grand père est mort à la fin d'un printemps il y a longtemps. Je n'étais pas là, très occupé ailleurs, loin. Je faisais carrière. On a dit que
Le printemps passé
Il y avait une fleur
Sous la tonnelle

Je suis allé là-bas, au village où mes grand parents sont enterrés, un minuscule village plein d'enfants. Il s'appelle Bemananas, ça veut dire qu'il y a beaucoup d'ananas.

la tombe de grand père (le mur de pierre), des habitants du village et ma tante Line au milieu, elle a 82 ans.

Comme veut la coutume
Sur la tombe de grand père
J'ai posé des fleurs

lundi, avril 02, 2007

le bonheur

Au bord du canal des Pangalanes, un village



Il est tôt et les gouttes de rosée, les dentelles de la nuit, le vacarme étouffé des oiseaux dans la jungle étaient encore là. Grâce aux efforts des poètes sans imagination l'aube pointait ses doigts d'argent sur la plaine verdoyante pendant que le carillon matinal et joyeux de l'Eglise de Saint Julien appelait les fidèles à la prière. Ceux ci se pressaient nombreux en ce jour, et la lumière naissante se glissant par les vitraux caressaient d'une ombre fraîche les joues des hommes humbles et des femmes encore plus humbles du village.

Comment, la lumière ne peut pas caresser d'une ombre fraîche ? Eh bien si, d'abord parce qu'il y a la jungle à Saint Julien, c'est donc que les choses ont changé – l'histoire se passe après la Grande Catastrophe Ecologique, pendant la fin du règne de Dominique Voynet III, ensuite il s'agit d'une licence poétique.

Là bas, les collines à l'est surgissent comme une croupe de jeune fille enspermée par le brouillard qui effiloche la vallée. On distingue l'entrée de la grotte, un plein cul où vit un ogre formidable qui a dévoré les petits enfants des alentours, après les avoir violés. C'est pour ça qu'ils sont si nombreux à l'Eglise (les humbles parents), sinon ils ne viennent plus comme s'en désolait l'Imam Al Coholo qui administrait la paroisse.
En ces temps troubles et troublés, prêtres et imams s'étaient partagés non les fidèles mais le territoire. Il y avait plus de l'un que des autres et il faut bien vivre. Le Dimanche c'était la messe, dite en latin d'imam, pas plus nul que l'arabe du curé de Saint Jars le vendredi, mais pas mieux non plus.
Au départ il y eut un défaut dans cette organisation car les imams pouvaient se reproduire mais les curés ne pouvaient pas. On avait donc assisté au déclin des uns, à l'ascension des autres ce qui ne manque pas de sel vu que l'ascension c'est un truc de curé. Rome avait réagi vigoureusement par la bulle papale "de vaginalis Deusque" ainsi que par une nouvelle iconographie représentant le Pape en érection (un peu magnifié je vous fais pas un dessin, c'était pour la bonne cause). Ce fut dur pour les pédophiles qui faisaient carrière là dedans mais il faut bien vivre. Quelques curésignés firent l'amour les yeux fermés – mais pas tous. Bon an malin, ils se reproduisirent. La légende dit que leurs enfants naissaient tout habillés Bibloran en main. La Bibloran, pour les ignorants, était un digest des meilleurs feuilles de la Bible et du Coran.

Donc l'ogre. Formidable, mais puisqu'une messe serait dite Dieu allait s'en mêler et on allait voir ce qu'on allait voir. D'autant plus intense était la ferveur qu'on était en début de carêmadan, ramadan le jour et carême la nuit pendant quarante jours. Ca aiguise la foi, gravement.

Ils étaient tous là, ils priaient, ils attendaient la mort de l'ogre, ignorants que celui-ci, sorti de son trouduc de la vallée s'en était venu au village chercher d'autres enfants à violer et à manger. Si possibles des petits très tendres qui crient bien fort pendant.

Donc l'ogre errait dans les rues vides d'hommes et de femmes, seule la maréchaussée veillant à la paix relative du village. Au moment du "Dominus Extra minimorum sed maximorum butterfly" alors que l'imam levait les yeux au ciel en un beau geste d'adoration qui rassemblait ses longs cheveux en arrière ce qui, il le savait, faisait craquer les femmes de la région et d'au delà, à ce moment là on entendit des cris, des alarmes, des bruits de bottes, un hurlement, trois coups de feu, non pas en série mais en même temps, puis la voix du Maréchal des logis chef hurler "halte ou je tire".
C'était à cause de l'ogre. Il avait dans les bras deux enfants roses.
De la foule effrayée, excitée sortie de l'église, cris de haine et bras d'honneur puis les bruits s'apaisèrent lentement.

La scène était Léonesque – de Sergio Leone – face à face entre le Maréchal des Logis Chef armé de son colt réglementaire à cinq coups (par mesure d'économies de l'Administration) et l'ogre armé des deux enfants. La Loi et l'Ordre versus l'Anarchie, l'un des deux est de trop. Au cinéma c'est un peu long mais la victoire du premier ne fait pas de doutes. Mais ici ?
Silence, hormis le chant des pélicans indifférents au drame qui se noue.
Ici aussi. Je veux dire, ce fut un peu long, mais dans le grand silence hormis le chant des pélicans, force resta à la Loi, à l'Ordre et à la Maréchaussée.

Fin de l'histoire, il n'y a pas de morale.
Durée pour écrire ce texte, environ 17 minutes. Il est temps de faire autre chose. Mais je vous aime bien et puisque vous êtes arrivés à la fin sans morale, je vais vous en écrire une : "le calme revint dans le village, ils furent heureux comme on peut l'être quand il n'y a plus d'ogre dans les collines".
Voilà, maintenant c'est fini.
Bises.

Ah, quand même, j'apprends qu'un colloque se réunit aujourd'hui pour étudier les critères quantitatifs du bonheur et quelles conséquences pour les pouvoirs publics ? ben quand y'a plus d'ogres, y'a du bonheur (cf la morale de mon histoire).
Question, c'est qui les ogres ? Les fonds de pension, les actionnaires rapaces ? ou les racailles de la banlieue, immigrés et même pas contents de leur sort ? les fachos de tous poils ? Les SDF, les pauvres, les exclus qui se fâcheront bien un jour couteau entre les dents ? les étrangers, tous les étrangers, eux aussi un jour ils en auront marre d'être étrangers ?
C'est qui, les ogres ?

il n'y a pas d'ogres à Madagascar